pub

Reprise d’activité : faire son deuil pour rebondir

Cette chef d’entreprise amorce son rebond, après s’être battue plus de trois ans pour son entreprise et ses quatre salariés, jusqu’à la liquidation judiciaire.

© Benoît Linder

« Fin 2013, suite à la liquidation judiciaire, j’ai eu besoin de temps comme pour faire le deuil. Ensuite, je ne savais pas trop comment rebondir. Je n’ai même pas regardé à Pôle Emploi. Je savais qu’à mon âge, il est difficile de retrouver un emploi salarié. Je me suis sentie très seule: des amis éloignés du monde de l’entrepreneuriat et une famille à préserver. Heureusement, je donnais encore des cours à côté et un client m’a recontactée pour me confier une mission de quelques mois. J’aime beaucoup mon travail, j’ai donc simplement changé mon statut de gérante majoritaire à travailleuse indépendante. J’ai réellement retravaillé six mois plus tard.»

L’importance du réseau

« Actuellement, j’aimerais me lancer dans une action de prospection mais c’est difficile. J’ai dépensé tellement d’énergie pour sauver mon entreprise que je ressens souvent une grande fatigue. Grâce au Crédir, j’ai réalisé que je n’utilisais pas assez mon réseau existant et je m’en suis construit un nouveau. Mon rebond n’est pas achevé mais, au moins, j’ai un bagage et de belles références. »

INFOS +

L'histoire de l'entreprise

A la fin des années 2000, l’un des gros clients de l'entreprise, le tiers de son CA, annule du jour au lendemain son marché. « Peu indemnisée » par cette rupture, elle peine à combler ce manque à gagner.
« Dans le domaine des marchés publics, entre le moment où vous répondez à l’appel d’offre, où vous réalisez le travail et où vous êtes payé, les échéances demeurent très longues. » Et puis il y a son attachement pour son entreprise, qu’elle a créée et dirige depuis plus de 15 ans. Pour ses cinq salariés aussi, dont elle connaît les familles et se sent proche. « Je ne voulais pas licencier, je préférais ne pas me verser de salaire. C’était un cercle vicieux : plus je travaillais pour colmater les brèches, moins j’étais capable de prendre les bonnes décisions. J’aurais dû déposer le bilan dès les grosses difficultés, en 2009, mais je pensais redresser la situation. »

La chef d’entreprise fait aussi part de sa solitude, à la fois choisie et subie. Ses amis n’évoluent pas dans le même secteur d’activité, elle veut préserver sa famille et « n’embêter personne avec mes problèmes. » Au-delà, elle peine également à trouver des interlocuteurs professionnels pertinents. Ni son comptable, ni l’administration judiciaire, ni son avocat ne l’informent de l’existence de la procédure de sauvegarde judiciaire. « Pour des questions très précises, savoir si mes salariés seraient couverts par l’Assurance maladie après la liquidation judiciaire par exemple, on ne sait pas à qui s’adresser. Il existe un gros déficit d’informations. Peut-être que je n’ai pas su les chercher mais, quand vous êtes dans cette situation, il y a tellement à gérer… »

Le ressenti psychologique de la liquidation

Au fil du récit de ces quatre années passées à tenter de sauver son activité, se profile un sentiment d’incompréhension voire d’injustice. « Les chefs d’entreprises sont considérés comme des nantis mais dès qu’un problème survient, ils ne rentrent dans aucune case. Comme s’ils n’existaient pas. Ils contribuent à l’économie du pays pourtant ! J’ai sans doute fait des erreurs, j’assume ma responsabilité mais la vision de l’échec en France est tellement négative. Alors que personne ne souhaite la liquidation de son entreprise ! » Elle soulève aussi d’autres problématiques spécifiques à l’économie française : le décalage entre les revenus de l’entreprise et le paiement des charges sur ces mêmes revenus, la difficulté à trouver un emploi après 50 ans, l’assurance chômage des chefs d’entreprises… En attendant d’achever son rebond, elle continue d’assister aux jeudis de transitions, organisés par le Credir.

L.D.

12/05/2015Partager