pub

Philippe Richert, Président de la région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine : des défis pour un territoire étendu

© Jean-Luc Stadler

Quels sont les défis de la nouvelle grande région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine?

P. R. • Le premier défi est organisationnel. À l’instar d’une fusion d’entreprises, il s’agit d’être le plus efficace possible, tant sur le plan politique que sur le plan administratif. Les jalons ont été posés: Strasbourg sera la capitale régionale et le siège du Conseil Régional. Son organisation fera l’objet d’un pôle constitué de trois maisons à Strasbourg, à Metz et à Châlons-en-Champagne. Dans un aussi grand territoire (près de 57000km²), nous devons garder une proximité et des liens directs avec les entreprises et les collectivités. Du point de vue de l’organisation, la commission permanente et les commissions thématiques se tiendront à Strasbourg, les séances plénières à Metz. Le second défi est la définition de grandes priorités qui nous permettront de contribuer au développement économique, social et culturel de la région en matière de logement, d’aménagement des territoires, de soutien aux entreprises, d’aides à l’innovation, d’emploi et de formation professionnelle, de transports.

Quelles actions allez-vous privilégier?

P. R. • L’emploi sera notre priorité numéroun. En dégageant un milliard d’€ pour la formation de 500000 chômeurs (contre 100000 en 2014), l’État nous a demandé de faire des efforts supplémentaires. De nouveaux outils doivent être mis en place, en partenariat avec l’État et Pôle Emploi et j’irai jusqu’à suggérer le transfert de la formation professionnelle aux régions. Quoi qu’il en soit, pour bien utiliser l’argent public, nous devons nous rapprocher des entreprises qui restent les supports de la création d’emploi. Avec les CCI, il faudra évaluer leurs besoins en compétences. Je souhaite que nous soyons une région où il fait bon entreprendre, s’implanter et se développer, ce qui implique d’offrir les conditions appropriées. Facilitons, par exemple, la vie des entreprises en simplifiant les formalités administratives. Soutenons-les dans leur Recherche et Développement, passage indispensable vers l’innovation. Je rappellerai que seulement 1,3% du budget de financement public sont consacrés à l’innovation (l’État vient de fixer un nouvel objectif de 3%), alors que dans le Bade-Wurtemberg ce taux dépasse les 5,1%, dont 3% se font dans l’entreprise. Il faut combler ce retard, par exemple, avec le développement du numérique et de l’usine du futur. Nous avons la chance d’avoir des pôles de compétitivité sur tous les territoires, utilisons-les pour que la recherche privée se développe. En parallèle, nous accompagnerons les startups en mettant en place des outils d’accueil, comme les hôtels d’entreprises et les renforcements de fonds propres. Je souhaite ouvrir les financements d’Alsace Croissance à l’ensemble des entreprises de la nouvelle région. J’ai également demandé à Bpifrance et à la Caisse des Dépôts d’être nos partenaires. En accordant plus de moyens financiers aux PME-PMI, nous faciliterons leur transformation en ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire) – un moteur de succès en Allemagne.

Comment envisagez-vous la collaboration avec les CCI?

P. R. • La Région Alsace est à l’origine du partage de compétences avec les CCI en matière de développement à l’international. L’accompagnement des entreprises à l’export a été confié aux CCI. Cette collaboration doit se faire avec une place renforcée de la collectivité pour faire rayonner notre territoire, désormais étendu, sur des sites et des pays cibles. Nous faisons confiance aux CCI qui mettent en place les orientations choisies sur la base d’un travail en amont et que nous finançons via des salons ou par le biais du VIE (Volontariat International en Entreprise). Le partenariat avec les CCI est également essentiel dans d’autres domaines. En tant que financeurs, nous devons fonctionner en étroite synergie avec les CCI, qui partagent les mêmes ambitions, que ce soit en matière de formation, d’emploi, d’innovation, d’aménagement du territoire, de transports, de tourisme, d’industrie 4.0, d’export, etc.

L’Alsace va-t-elle pouvoir préserver son identité dans cette grande région?

P. R. • Les Alsaciens continueront de se sentir alsaciens et fiers de l’être. L’Alsace a existé bien avant que le Conseil Régional ait été mis en place. On ne peut pas réduire l’identité à sa seule organisation. Les identités sont des moyens de faire rayonner les réussites. Cela vaut pour l’Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine. Nous ne pourrons pas occulter nos connexions avec l’Allemagne et la région du Rhin Supérieur qui constituent un modèle de développement économique. En même temps, la démarche de régionalisation va impliquer la recherche d’une nouvelle identité qui fera l’objet d’une consultation citoyenne. Propos recueillis par Françoise Herrmann

09/03/2016Partager