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Relations école & entreprise  : multiplier les passerelles

«Donner une impulsion nouvelle aux relations entre les mondes économique et éducatif»: une volonté affichée par le Gouvernement. Cela passe par l’ouverture de l’école sur le monde de l’entreprise. En Alsace, c’est une réalité depuis plusieurs années.

Repères

600 enseignants

et 300 chefs d’entreprises se mobilisent dans le cadre de l’opération « Les Boss invitent les Profs »

Source : Medef


12 000 visiteurs

Le nombre de visiteurs accueillis en 2013 par l’Orientoscope

Source : CCI Sud Alsace Mulhouse

 

En Alsace, l’entreprise va à la rencontre des établissements scolaires depuis au moins 20 ans. Des initiatives qui se multiplient pour animer et développer des partenariats, fédérer les acteurs, créer des espaces de dialogue et de réflexion et ce, au niveau institutionnel. CCI, Académies, Medef, mais aussi établissements scolaires et entreprises. Ce n’est pas un luxe ; l’image véhiculée par la société sur les patrons d’une part et les enseignants de l’autre, reste truffée d’a priori. Une enquête réalisée entre le 15 mai et le 20 juin 2014 par Ipsos pour AXA Entreprises, auprès de 500 dirigeants, révèle que 74% des interrogés pensent qu’ils sont souvent vus, à tort, comme des « patrons bien payés ». Pour 9 sur 10, « les patrons de PME devraient être plus valorisés dans la société, compte tenu de leur rôle vis-à-vis de l’emploi ».

De même, ils sont 92% à estimer qu’«on parle beaucoup des grandes entreprises mais que les PME sont souvent oubliées. » Ajoutons que dans le langage courant, le bénéfice est souvent appelé profit. Or, profit évoque exploitation… des travailleurs bien entendu. De l’autre côté, ce n’est pas mieux. « Tout le monde le sait, les profs sont des privilégiés. Ils travaillent peu, ont de bons salaires, énormément de vacances, des retraites avantageuses, la sécurité de l’emploi et n’ont de comptes à rendre à personne… et ils se plaignent en permanence », résume Lucien Marboeuf professeur des écoles sur le blog de Francetvinfo.

« Faire aimer l’entreprise »

C’est précisément pour tordre le cou à ces idées reçues, que Christian Ruppert, responsable de l’agence de communication Grafiti et adhérent au Medef du Bas-Rhin a imaginé l’opération « Les Boss invitent les profs ». C’était en 2006. « À l’époque, la Présidente du Medef avait lancé pour thématique de travail «faire aimer l’entreprise ». Une population était à cibler et à convaincre en priorité: les profs de collèges et de lycées. Ils n’ont aucune idée de ce qu’est une entreprise, et pour cause, ils n’ont jamais quitté l’école. Ils forment les jeunes et les déforment le cas échéant. J’ai vu en eux un porte-parole. Organiser des déjeuners entre un chef d’entreprise et un prof m’a semblé opportun pour créer la rencontre et lever les a priori. » La première année, l’opération soutenue par la CCI de Strasbourg et du Bas-Rhin mobilise 100 patrons et 200 profs. Huit ans plus tard, 300 chefs d’entreprises et quelque 600 enseignants y participent. 99% d’entre eux sont ravis. Mieux. Leur perception de l’autre a bougé. Les uns n’imaginaient pas les difficultés du dirigeant. Les autres découvraient des professionnels investis et passionnés. « Nous profitons aussi de ce moment privilégié pour tisser un canevas des pré-requis indispensables pour rejoindre une entreprise comme : savoir travailler en équipe, admettre qu’il y a un chef, des horaires à respecter… En stage, il arrive aux jeunes de sécher comme à l’école», poursuit Christian Ruppert.

La majorité des patrons interrogés pour ce dossier déplore presque à l’unanimité le défaut de savoir-être en entreprise des plus jeunes recrues. « Il y a moins de respect des règles chez eux. Ils sont moins impliqués, plus consuméristes et nonchalants. C’est vrai à l’école comme en entreprise. « Cependant cette dernière licencie plus facilement qu’avant. » souligne Patrick Joly, directeur d’exploitation chez Bardusch SARL à Bischwiller et partenaire de la CCI pour l’opération « Les Classes sortent en Boîte » : « Le lien affectif qui lie le salarié et l’entreprise est moindre aujourd’hui ». Pour Olivier Klotz, directeur d’Heuft France, membre titulaire de la CCI de région Alsace et fondateur convaincu de  «Les Boss invitent les profs», en dix ans, les jeunes ont changé et les entreprises aussi. « J’en accueille une dizaine par an et leur impréparation à la vie en collectivité est de plus en plus patente. La suppression du service militaire y est pour quelque chose. Non seulement c’était une expérience de vie en collective mais il y avait des chefs. Par conséquent le premier patron était toujours un peu mieux que le petit chef de l’armée.

© Fotolia

Créer la rencontre

Aujourd’hui, nous sommes obligés de leur expliquer qu’il existe un code vestimentaire et qu’un client s’attend à rencontrer un expert pas un touriste ; or en entreprise, nous sommes plutôt en sous-effectif, sous pression et face à des réglementations très complexes. Personne n’est disponible pour accueillir ces jeunes et leur expliquer qu’ils sont embauchés pour jouer un rôle car c’est ce qu’on attend d’eux. » À défaut d’éduquer, le fait de multiplier les passerelles et casser les crispations, éveille les curiosités, instaure un dialogue et permet de réduire les clivages, voire de créer la rencontre. Anne Herriot

10/11/2014Partager