FRET : le casse-tête de la multimodalité

La logistique est appelée à jouer un rôle clé dans la réduction des gaz à effet de serre. Mais les bonnes intentions se heurtent souvent aux complications et à la saturation du fret.

© CCI/IHK/HKBB du Rhin supérieurImaginons que vous souhaitiez réceptionner près de Strasbourg une importante commande venue de Stuttgart. Votre fournisseur pourrait l’envoyer en camion jusqu’au port de Karlsruhe, la charger sur un cargo, la récupérer au Port de Strasbourg et l’amener en camion jusqu’à sa destination finale… Ou bien il peut opter pour un trajet direct en porte-à-porte avec un camion. Malgré son bilan carbone et des tracas liés aux différences de réglementation des poids lourds, la flexibilité du camion apparaît souvent comme avantageuse. « Bien souvent l'entreprise va privilégier sa rapidité du fait d'absence de rupture de charge. Pour autant, les acteurs locaux ont beaucoup investi ces dernières décennies pour développer la multimodalité sur le territoire, ce qui en fait sa force aujourd'hui », reconnaît Olivier Schmitt, directeur attractivité et développement des territoires à la CCI. « C'est dans cette lignée que les CCI/IHK et HK du Rhin supérieur soutiennent un certain nombre d'infrastructures de transports complémentaires du territoire transfrontalier, qu'ils soient multimodaux, ferroviaires, fluviaux... afin de permettre aux entreprises de disposer d'une diversité d'options adaptée à la variété des besoins », précise Patrick Hell, chargé de missions à la CCI Alsace Eurométropole.

Optimisation ou extension ?

Côté allemand, il faudra ronger son frein au moins jusqu’en 2030 pour voir aboutir deux chantiers majeurs : la mise sur quatre voies de la voie Bâle-Karlsruhe et l’approfondissement du Rhin entre Mayence et Sankt Goar, dans le Rhin moyen. En 2018, ce tronçon de 50 kilomètres s’était asséché, ralentissant fortement le trafic fluvial. Au port de Karlsruhe, Jens-Jochen Roth n’a pas retrouvé ses volumes de 2017. Mais le directeur de la recherche note des adaptations : « On voit passer des bateaux moins volumineux, avec moins de fond. » Si le port ne manque pas de capacité d’accueil, « le recul des marchandises de gros tonnage au profit de celles à forte valeur ajoutée n’aide pas à valoriser la navigation fluviale. Nous essayons de relancer le trafic ferroviaire, mais le réseau est saturé ». Qu’il s’agisse de routes ou de quais, les nouveaux projets doivent aussi composer avec une raréfaction du foncier et les mesures compensatoires. Depuis Bâle, l’actuel président du Conseil Rhénan, Christian von Wartburg, voit la desserte trimodale Gateway Basel Nord, pourtant approuvée par votation, buter sur la question des terres rendues à la nature en compensation de la construction d’un troisième bassin. Le Grand Conseiller du canton de Bâle-Ville redoute que ce type de cas se multiplie. De là à imaginer un droit de compensation transfrontalier ? « Le transport ferroviaire est une longue affaire de planification. Mais du point de vue du Conseil Rhénan, il n’y a rien d’insurmontable. »

Depuis l'Alsace, Olivier Schmitt aimerait tout de même garder des marges de manœuvre pour les projets stratégiques du territoire, notamment pour les espaces d'activités bénéficiant de ces infrastructures intermodales. C’est que le Haut-Rhin bataille pour le projet EcoRhéna, lui aussi adossé à une desserte trimodale, supposé prendre le relais économique de Fessenheim : « La nouvelle loi climat nous impose, à nous aussi, une réduction de la consommation foncière et, à terme, zéro artificialisation nette. Cela pose déjà problème pour permettre aux entreprises du territoire de trouver des terrains ou des bâtiments lorsqu’elles ont besoin de s’agrandir. > Pierre Pauma

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