Commerce : ce que les Allemands viennent acheter en Alsace

Le commerce ne s’arrête pas à la frontière. Aires de chalandise françaises et allemandes se croisent, s’entremêlent et se font parfois concurrence. L’Alsace bénéficie de la qualité des produits alimentaires français et de l’effet « métropole » de Strasbourg.

Au Decathlon Place des Halles à Strasbourg, François-Xavier Delaporte a opté pour des fiches produits bilingues. © DREn 2008, l’Observatoire franco-allemand du commerce avait publié une grande enquête sur le commerce transfrontalier dans le Bas-Rhin et le Bade-Wurtemberg. Dans cette photographie d’ensemble, les consommateurs allemands louaient la diversité des étals français. En revanche, ils déploraient un mauvais rapport qualité prix et une importante barrière linguistique.

Focus sur l’Allemagne ou attractivité globale ?

10 ans plus tard, la France continue-t-elle de traîner sa réputation de piètre linguiste ? Pour mettre en avant les commerces polyglottes, l’association Les Vitrines de Strasbourg distribue des stickers aux commerçants germanophones : « Wir sprechen Deutsch » pour « nous parlons allemand ». Au tout jeune Decathlon Place des Halles à Strasbourg, le manager François-Xavier Delaporte reçoit entre 7 et 8 % de clientèle étrangère, dont une large majorité d’Allemands. « Être multilingue, c’est un vrai plus sur un CV de vendeur. Et pas uniquement à Strasbourg ! » insiste cet ancien gérant d’un magasin dans les Vosges. Son chantier du moment : la conversion au bilinguisme. Les fiches produits sont disponibles en allemand et les employés peuvent suivre des cours de langue.
Selon l'ex-président des Vitrines de Colmar Vincent Houllé, sa ville a davantage misé sur l’attractivité touristique tous azimuts. « La clientèle allemande est bien sûr importante, mais elle s’inscrit dans une stratégie plus globale qui vise aussi bien les visiteurs français, allemands, que le reste de l’Europe et du monde. » L’allemand est apprécié, mais quand il faut aussi penser à la clientèle flamande, néerlandaise ou autre, l’anglais s’impose comme dénominateur commun.
Dans le Bas-Rhin, impossible de ne pas évoquer Roppenheim. Le village de marques Style Outlets réalise sa plus grosse journée le 3 octobre, jour de la fête nationale allemande. Ce jour-là, le site accueille plus de 20 000 visiteurs. C’est aussi un excellent poste d’observation des différentes habitudes de consommation. Le directeur Christophe Girard note ainsi que les Allemands sont moins sensibles aux soldes. « Aux mois de janvier et juin, les Allemands vont continuer d’acheter jusqu’à la veille des soldes, alors qu’il y a souvent une retenue d’achat sur ces périodes du côté français. »

« Il faut regarder à 360° »

L’effet de frontière joue à plein dans l’agglomération strasbourgeoise. Pour le président des vitrines de Strasbourg Pierre Bardet, « il faut regarder à 360° ». Depuis 10 ans, il édite un supplément publicitaire qui paraît quatre fois par an dans la Mittelbadische Presse, le principal groupe de presse locale voisin. Parmi les annonceurs réguliers, l’hypermarché Cora de Mundolsheim qui met en avant la poissonnerie, le vin, la pâtisserie, mais aussi le café, une denrée radicalement moins chère en France qu’en Allemagne.
Il serait toutefois réducteur de cantonner l’Alsace à la fonction d’épicerie fine pour des Allemands à la recherche de Delikatessen.

Strasbourg peut aussi compter sur ses grandes surfaces spécialisées. Place des Halles, les rayons randonnée et vélo de Decathlon sont très prisés de la clientèle allemande. « Notre rayon d’attractivité, c’est environ 30 minutes aux alentours de Strasbourg, analyse François-Xavier Delaporte. Nous recevons des clients allemands vraiment tous les jours, pas uniquement lors des jours fériés allemands ou les week-ends. C’est un signe que la ligne de tramway entre Strasbourg et Kehl fonctionne bien dans les deux sens. » Même si avec l’ouverture d’un Decathlon à Offenbourg pour fin 2020, sa zone de chalandise pourrait se réduire quelque peu. Si l’ouverture d’un Primark à Strasbourg suscite l’inquiétude de plusieurs commerçants, Pierre Bardet y voit une raison de plus de venir à Strasbourg… Ou de ne pas en partir : « Avant, on avait des familles qui allaient jusqu’à Karlsruhe uniquement pour Primark et qui en profitaient pour faire leurs autres achats sur place. Désormais, ils resteront sur place. » > Pierre Pauma

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