RAIL FRANCO-ALLEMAND : les grands chantiers - lignes directes, fret...

Alors que le transport ferroviaire a souffert en 2020, de nouveaux investissements vont raccorder la France à l’Allemagne. Sur le fret, de nouvelles compagnies émergent à côté des opérateurs historiques qui restent dominants. Mais le ticket d’entrée et le besoin d’investissements restent élevés.

© CiteasenLe rail victime collatérale de la Covid ? En France comme en Allemagne, les opérateurs historiques ont souffert. 4,7 milliards € de pertes en 2020 pour la SNCF et une estimation à 5,6 milliards pour la Deutsche Bahn. C’est dans ce contexte difficile que la région Grand Est s’apprête à reprendre la gestion des lignes de proximité. « Il y a eu un véritable sous-investissement de l’État sur ces lignes, dont certaines servent de support à l’ambitieux projet de renforcement des dessertes transfrontalières à destination de l’Allemagne », regrette Évelyne Isinger, conseillère régionale chargée des questions transfrontalières dans la commission transports. Les usagers le savent, utiliser le train pour des trajets entre la France et l’Allemagne ne va pas de soi.

Des lignes régionales ouvertes à la concurrence

La situation devrait s’améliorer sensiblement d’ici 2024, avec le cadencement de lignes régionales directes (Strasbourg-Wissembourg-Neustadt, Strasbourg-Lauterbourg-Wörth, avec un prolongement ultérieur vers Karlsruhe, Strasbourg-Offenbourg et Mulhouse-Müllheim). Pour ces lignes, le Grand Est et le Bade-Wurtemberg investissent dans du matériel roulant adapté aux deux pays :
375 millions € pour 30 navettes Coradia polyvalentes d’Alstom. Ces trains auront un petit goût d’Alsace, puisqu’ils seront assemblés sur le site Alstom de Reichshoffen (qui devrait être repris par Skoda). Ces lignes seront-elles toujours aux couleurs de la SNCF ? Un appel d’offres européen est prévu pour 2021. Cela pourrait être l’occasion pour la Deutsche Bahn de se développer en France, ou pour Transdev, déjà opérant en Allemagne et candidat sur des lignes intérieures françaises, de s’affirmer sur les lignes régionales. Un autre appel d’offres pour la gestion de certaines portions d’infrastructures devrait également voir le jour d’ici 2022. À ces lignes s’ajoutent la réactivation de la ligne Colmar-Fribourg avec la reconstruction du pont de Breisach et l’étude de la réouverture d’une ligne Sarrebruck-Haguenau-Karlsruhe, qui fait partie des « chaînons manquants » identifiés par la Commission européenne dans un rapport datant de 2018. Sur les grandes lignes, Strasbourg peut espérer tirer son épingle du jeu avec le retour annoncé du train de nuit entre Paris et Vienne et l’étude d’une ligne directe avec l’aéroport de Francfort. Si ce dernier point figure au contrat triennal « Strasbourg capitale européenne », il demande l’aménagement du tronçon entre Kehl et Appenweier pour connecter Strasbourg à la ligne grande vitesse (LGV) de la vallée du Rhin. Le projet est dans les cartons depuis… 1992.

Fret : pas de choc d’offre sans harmonisation

Le constat du sous-investissement est similaire pour le fret. De l’aveu même du Land du Bade-Wurtemberg, l’investissement sur les infrastructures est resté insuffisant ces dernières années. Si la Deutsche Bahn reste un mastodonte en Allemagne, elle ne contrôle plus que 50 % du transport de marchandises. Parmi la myriade de concurrents, se trouve le groupe logistique Rhenus, actif notamment sur les lignes Colmar-Sarrebruck, Lauterbourg-Wörth et Strasbourg-Kehl. Le manque d’investissements sur les lignes n’est pas sans conséquence. « Sur le couloir nord-sud, nous estimons que le manque d’investissements entraîne une perte de capacité de l’ordre de 30 % », déplore Sacha Honnert, directeur de Rhenus Rail. Le rail a beau être plus sûr, plus rapide et moins polluant que la route, sa part modale reste réduite
(18 % en Allemagne, 10 % en France). Être présent des deux côtés de la frontière représente un investissement énorme, en raison des différences de normes en matière de sécurité et d’assurance. Pour ses opérations en France, Rhenus Rail s’en remet à un partenariat avec un opérateur français. « Je ne vois pas comment cela pourrait changer sans harmonisation européenne. Dans l’état actuel des choses, mieux vaut avoir un partenaire fiable pour opérer à l’étranger, plutôt que de s’y risquer soi-même. » >Pierre Pauma

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