Environnement : le recyclage à marche forcée

Portée par une législation qui lui est favorable, la filière du recyclage du plastique doit faire face à un bouleversement de son économie. En cause :  le refus de l’Asie de traiter les déchets plastiques occidentaux.

Face à la fermeture du marché asiatique, certains déchets français atterrissent en Allemagne pour être recyclés. © Pierre PaumaPlus de bouteilles colorées, pas d’embouts en plastique sur les produits d’étanchéité, pas de polystyrène expansé… La liste des cancres du plastique peut faire sourire, mais c’est bien celle publiée par le registre allemand des emballages. Le but : éliminer peu à peu les emballages ou les produits plastiques indésirables car peu recyclés. L’objectif : 63 % de recyclage des emballages plastiques en 2021. Au moment où l'Allemagne adoptait sa loi sur les emballages fin 2018, elle se trouvait à 36 %. Pour ce faire, le Duales System (Abfallwirtschaft) (l’équivalent allemand d’Eco-Emballages) ne suffit plus. La chancellerie impose la traçabilité aux entreprises, y compris aux exportateurs, via un nouveau registre des emballages. Une plateforme où toutes les entreprises doivent déclarer la quantité et la nature des emballages qu’elles mettent sur le marché avec leurs produits. À la fin de l’année 2019, un peu plus de la moitié des entreprises allemandes avaient joué le jeu et s’étaient inscrites.

La filière recyclage débordée

L’Allemagne a beau s’afficher comme performante en termes de recyclage, elle n’en reste pas moins le plus gros producteur de plastique, avec 3,2 millions de tonnes. Préoccupant, surtout à l’heure où les débouchés pour ces fameux déchets se réduisent. Jusqu’en 2017, la Chine en absorbait une bonne partie, avant de brutalement fermer les portes. Si certains plastiques comme les polémiques bouteilles en polyéthylène téréphtalate (PET) sont encore tolérés, d’autres, de moins bonne qualité, sont bannis et renvoyés. Résultat : une surabondance en Europe. Les producteurs de déchets plastiques avaient de l’or dans leurs poubelles, il s’est transformé en plomb. Directeur d’une usine en Suisse qui les rachète pour en faire des granulés de plastique réutilisables, Daniel Pfleger est également le président de la branche plastique de l’antenne badoise de la BVSE, l’une des principales associations des professionnels du recyclage en Allemagne. « Sur certains films, les prix se sont effondrés de 70 %. Quant au polyéthylène haute densité (PEHD) (qui sert notamment à fabriquer des flacons ndlr), on l’achetait encore 360 € la tonne l’an dernier, il est tombé à 230 €. » Une bonne nouvelle pour lui ? « Pas vraiment. Quand le prix des matières premières baisse, mes fournisseurs s’attendent à ce que je baisse mes prix à mon tour. »

Imposer le plastique recyclé

D’autant plus que la filière se retrouve prise en tenaille entre ses marges qui chutent et la concurrence du plastique neuf. Suite à la baisse des prix du pétrole, il coûte parfois moins cher que le recyclé. Seule solution aux yeux de Daniel Pfleger : une intervention gouvernementale.
« Il faut imposer un quota de matières recyclées dans la production de plastique. C’est déjà en discussion en Allemagne et en Italie, où on évoque une pénalité en dessous de 30 % d’incorporation de matières recyclées. » En France, la loi économie circulaire a également avalisé ce principe, selon des modalités qui restent à définir. Daniel Pfleger plaide également pour une meilleure qualité de tri. Face à l’abondance de matière première, quand celle-ci n’est pas assez bonne, il la paie moins cher. Quand elle est carrément mauvaise, il la renvoie. « Avant, je trouvais quand même des sièges auto dans les ballots que je réceptionnais ! » Son expérience invite également à relativiser certaines statistiques alarmistes : la France trie peut-être moins que l’Allemagne, mais elle trie mieux selon lui. Il affirme acheter les déchets français jusqu’à 50 € plus cher la tonne par rapport à ceux des Allemands. « La France trie en moyenne 60 000 tonnes de déchets ménagers dans un centre de tri. L’Allemagne en brasse entre 200 et 300 000. Avec de tels volumes, la qualité se dégrade forcément. » > Pierre Pauma

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