Communiquer en Allemagne : séduire ou convaincre ?

« Le Français, ineffable latin à la corde affective hypertrophiée, opposé à l’Allemand nécessairement rationnel. Dans chaque caricature, il y a un fond de vérité », s’amuse le communicant Stephan Bleyer. Quelques conseils pour réussir sa prospection outre-Rhin.

Professionnelle de la vente de vin, Mathilde Cuzbot a peut-être avantageusement usé de son accent français lors de son expérience à Cologne. Mais il lui a tout de même fallu passer par le nécessaire processus d’acculturation. D’une part, en mesurant l’importance qu’allait avoir le mot Reklamation dans son travail : « Les Allemands sont intraitables sur le service après-vente. Ils connaissent très bien leurs droits de consommateurs et ils n’hésitent pas à s’en servir. » D’autre part, en mesurant l’écart de comportement avec le consommateur français : « L'Allemand attache plus d’importance au rapport qualité/prix. On le retrouve dans les publicités, mais aussi dans la relation client ! » La communication made in Germany a cette réputation de laisser peu de place à la fantaisie. Quelques contre-exemples grand public viendront toujours démentir ce mantra, comme la dernière campagne d’Opel pour sa gamme de SUV. On y voit l’entraîneur de football Jürgen Klopp et l’actrice allemande Bettina Zimmermann mettre à rude épreuve leur voiture respective. La publicité a été traduite pour le marché français, sans adaptation particulière. Un luxe de créativité que peuvent se permettre les grandes marques qui visent un large public, pourvu qu’elles misent sur des références communes. Dans le cas contraire, mieux vaut s’en tenir à cette règle d’or, répétée à l’envi par les spécialistes de la communication franco-allemande, à commencer par Stephan Bleyer, fondateur et dirigeant de l’agence Baucomm : « L’Allemand aime être convaincu, le Français aime être séduit. »

Les grandes marques comme Peugeot peuvent se laisser aller à la créativité, mais suivent tout de même une règle d'or : communiquer sur un nombre restreint de produits. © DR

En B to B : cible restreinte, informations précises

Naturellement, la communication d’entreprise à entreprise se veut plus sobre et plus informative. Gilles Untereiner, ancien directeur de la CCI France à Sarrebruck et dirigeant de l’agence de conseil ACCT, conseille d’adopter une argumentation immédiate dès le premier contact, afin de répondre à une problématique identifiée. Cela demande d’avoir choisi une ou deux spécialités à mettre en avant, là où le Français a envie d’avoir une vision d’ensemble de ce que vous proposez, quitte à vous rappeler plus tard. Comme les consommateurs, les décideurs germaniques aiment disposer de beaucoup d’informations. « Quand on regarde les plaquettes de présentation des entreprises françaises, elles parlent de qualité, de sérieux, d’écoute du client… Celles des entreprises allemandes contiennent trois fois plus d’informations techniques. »

En amont, Gilles Untereiner suggère de sélectionner soigneusement ses cibles. La presse professionnelle, prolifique en Allemagne, permet de s’adresser à un public restreint mais très concerné. Le démarchage téléphonique, peu utilisé outre-Rhin, est chronophage mais peut s’avérer payant. Il est en revanche plus réservé sur le mailing : en plus d’avoir un fort taux de perdition, il exige l’accord de la cible depuis la mise en œuvre du RGPD. Une précaution dont les listes anciennement constituées ne s’encombraient pas.

» Pierre Pauma

 

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