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Édito : réussir la transition vers les nouvelles mobilités

Jean-Luc Heimburger  Président de la CCI Alsace Eurométropole © Dorothée ParentLa mise en place de zones à faibles émissions (ZFE) en France sera l’un des grands chantiers des années à venir. Onze métropoles sont déjà concernées par cette transition imposée par la loi d’orientation des mobilités de 2019 et le périmètre s’étendra probablement aux agglomérations de plus de 150 000 habitants.

Dans la pratique, il s’agit de limiter la circulation des véhicules les plus polluants identifiés par une vignette en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques. À ce jour en Alsace, seule l’Eurométropole de Strasbourg s’engage dans la mise en place d’une ZFE. Dès le 1er janvier 2023, les véhicules professionnels et particuliers, sans vignette ou classés Crit’Air 5, y seront définitivement interdits de circulation. Suivront ensuite les Crit’Air 4 (2025), Crit’Air 3 (2027) et Crit’Air 2 (janvier 2028).

La CCI surveille de près l’impact de la ZFE sur la compétitivité des entreprises alsaciennes. Nos équipes viennent d’interroger près de 1 000 dirigeants d’entreprises bas-rhinoises de tous secteurs d’activités, dont 528 entreprises industrielles, commerciales et de services qui utilisent 8 000 véhicules circulant quasiment tous les jours à des fins professionnelles dans le périmètre de l’Eurométropole : 26 % de poids lourds, 40 % de véhicules utilitaires légers et 33 % de voitures. 95 % de ces véhicules sont équipés de moteurs thermiques et le passage à la ZFE - tel qu’il est envisagé dans l’Eurométropole de Strasbourg - nécessiterait un renouvellement de 90 % du parc de véhicules professionnels à l’horizon 2028, ce qui est irréaliste, tant au niveau industriel qu’économique.

70 % de ce parc est cependant constitué de véhicules plutôt récents, classés en Crit’Air 2 avec un impact environnemental réduit. Nous préconisons d’attendre l’évaluation de la première phase du dispositif, prévue en 2024, pour statuer sur cette classe de véhicules. Cela permettra aussi d’avoir un cadre national plus clair et d’éviter que Strasbourg ne soit la seule ville à interdire les Crit’Air 2 sur son territoire, compromettant ainsi son attractivité économique.

En tout état de cause, il s’agira de veiller à ne pas pénaliser nos entreprises qui se relèvent tout juste de la crise sanitaire. Pour cela, un dispositif local d’aides à l’investissement sera nécessaire pour compléter les aides nationales. Il faudra vraisemblablement reconsidérer les échéances en fonction de la capacité des constructeurs à produire et fournir des véhicules adaptés.

Les véhicules électriques ne représentant aujourd’hui que 2,68 % du parc, l’un des défis majeurs de la ZFE consistera à développer les réseaux de recharge, en tenant compte des contraintes liées au temps de charge. Si l’Eurométropole s’est engagée à dépasser le cap des 100 bornes de recharge électrique d’ici début 2022, ce déploiement devra être accéléré et il faudra également se préoccuper de l’avitaillement en gaz naturel (GNV) : il n’existe aujourd’hui que 5 stations en Alsace dont 3 seulement accessibles aux poids lourds. Ces réseaux devront être redimensionnés pour alimenter à la fois le parc de véhicules professionnels et ceux des particuliers. Il existe également des carburants alternatifs « propres » permettant aux entreprises de conserver leurs véhicules en émettant beaucoup moins de polluants (carburant B100…). Ces carburants sont produits en Grand Est et nous avons l’opportunité de développer une filière propre à l’échelle du territoire, tout comme pour l’hydrogène qui est devenu une alternative sérieuse et prometteuse.

Enfin, le renouvellement massif du parc conduira à une inévitable dépréciation des véhicules en cours d’usage (aujourd’hui 80 % des poids lourds utilisés sont en début de vie). Il faudra donc réfléchir à une politique de compensation et à des solutions de réemploi, de rétrofit ou de recyclage des anciens véhicules remplacés.

Pour le moment, les véhicules pour lesquels il n’existe pas d’alternative économique et écologique viable sont exclus par dérogation du calendrier de la ZFE (engins de chantier, véhicules frigorifiques…) et nous veillerons à ce que ces dérogations persistent jusqu’à la mise sur le marché d’offres adaptées.

La réussite de la création de la ZFE passera par un calendrier bien en phase avec la disponibilité du matériel roulant, le développement des infrastructures de recharge et la capacité de nos entreprises à investir. Nos entreprises sont prêtes à s’engager dans les mobilités décarbonées : il suffira de leur proposer des conditions objectives et économiquement viables pour opérer cette transition avec un dispositif adaptable qui permettra d’éviter toute victime collatérale.

Jean-Luc Heimburger
Président de la CCI Alsace Eurométropole

08/07/2021Partager