La crise, accélérateur de tendances : bienvenue dans la nouvelle entreprise

Essor du télétravail avec la crise sanitaire, développement de la 5G, avancées technologiques, contraintes environnementales... Dans les entreprises, sous l’effet de multiples facteurs, les concepts et les pratiques évoluent à grande vitesse. De nouveaux modèles apparaissent et se généralisent. Souvent pour le meilleur. Tour d’horizon des changements en cours et des tendances qui pourraient bien s’accélérer au cours des trois ans à venir.

@iStock«En l’espace d’un an, nous avons gagné dix ans dans les processus de digitalisation », déclarait, il y a peu, un spécialiste des technologies numériques, preuve d’un mouvement qui s’accélère. Est-ce le début d’une nouvelle époque ? Les bureaux ne vont-ils pas disparaître ? Le télétravail va-t-il devenir la norme ? Et quelles conséquences sur le management, la productivité et le bien-être des salariés ? L’immobilier d’entreprise est un des meilleurs baromètres des changements en cours. « Le télétravail ne résout pas tout, affirme Vincent Triponel, directeur associé de Cushman & Wakefield Immobilier, l'un des leaders mondiaux de l’immobilier d’entreprise. Les sociétés vont continuer à proposer des bureaux à leurs salariés, mais ils vont se convertir en hubs collaboratifs, en points de rendez-vous pour les équipes et les clients. La physionomie des bureaux va donc devoir évoluer : moins de bureaux traditionnels, moins de regroupements dans de grands centres d’affaires, plus d’espaces modulables ou réversibles qui s’adaptent aux besoins des collaborateurs au fil de la journée de travail. » Vincent Triponel parie sur la poursuite de l’essor du coworking qui permet aux entreprises de prendre et de rendre facilement des espaces de travail sans la contrainte d’un bail commercial. Les centres d’affaires comme Regus et les établissements hôteliers comme le K Hôtel à Strasbourg, qui loue des chambres aux télétravailleurs, sont prêts à rebondir sur ce créneau. « C’est une corde de plus à l’arc des entreprises sur le marché immobilier, reprend Vincent Triponel.

Le maître-mot : ultra-connectivité

Dans le quartier d'affaires Archipel à Strasbourg, le Crédit Mutuel  et la Caisse d'Epargne ont renoncé à construire leur tour.© 128 dBMais restons réalistes. Telle une colonne vertébrale, le bureau restera toujours indispensable pour l’entreprise et les collaborateurs. Le sentiment d’appartenance et les échanges humains nourrissent le leadership, attisent l’envie de se dépasser et facilitent les apprentissages. » À quoi pourrait ressembler le bureau du futur ? Plus besoin de clé ou de badge : la reconnaissance faciale permet d’accéder facilement à tous les espaces autorisés et à tous les services. On travaille encore en espace ouvert, mais il y a des alcôves insonorisées pour s’isoler et du mobilier qui s’adapte automatiquement à nos besoins, permettant de travailler assis, debout, seul ou à plusieurs. Les chaises robotisées se rangent toutes seules une fois les réunions terminées. Le maître-mot est ultra-connectivité avec des tableaux blancs connectés, bien plus sophistiqués que les vieux paperboards, sur lesquels on peut écrire, consulter des documents en ligne ou faire de la visioconférence. Pour projeter les documents, plus besoin d’écrans dédiés, on peut afficher son PowerPoint ou sa maquette 3D directement sur la table ou sur le mur.

La grande bascule numérique

Chiffres-clés
7 millions de télétravailleurs en 2025 (source : Dares/Insee)

50 % des surfaces de bureaux traditionnels vont disparaître d’ici 2025, au profit d’espaces collaboratifs. (source : Fujitsu/Capital)

En quelques mois, l’application
Zoom est passée de 10 à 300 millions d’utilisateurs dans le monde. (source : L'Usine Digitale)

À coup sûr, les avancées technologiques vont refaçonner nos pratiques. La transition digitale, déjà bien engagée et soutenue par le déploiement de la 5G, nous promet de nouvelles percées. « La digitalisation des process et des relations va continuer d’imposer une dématérialisation et une décentralisation de l’entreprise, confirme
Claire Riester, responsable marketing et communication de la société Reproland spécialisée en solutions de dématérialisation pour les entreprises. En termes de conversion numérique, le panel des choix possibles est très large, de la solution de gestion électronique de documents à la mise en place de nombreux modules additionnels comme la signature électronique et le coffre-fort numérique, pour l’envoi des fiches de paie par exemple. Les entreprises ont la capacité de basculer plus ou moins rapidement vers une digitalisation touchant à l’ensemble des métiers de l’entreprise. Pour le dirigeant comme pour les collaborateurs, le plus grand défi réside dans la volonté d’intégrer un changement décisif dans l’organisation de l’entreprise, comme le préconisent les dirigeants de Reproland à leurs clients. »
Le tout-numérique modifie aussi les habitudes de travail jusqu’à conduire à une virtualisation du poste de travail et donc une généralisation du travail à distance d’ici 2030. Le groupe PSA, premier employeur privé en Alsace, en a fait la référence pour les activités qui ne sont pas directement liées à la production. Le constructeur automobile, qui a fermé son siège en région parisienne pour réduire sa surface de bureaux, s’appuie sur un nouveau projet d’entreprise baptisé « nouvelle ère d’agilité ». Il offre aux salariés la possibilité de rester à distance 70 % de leur temps en moyenne.

De nouveaux modes de management à inventer

Télétravail, mode d’emploi

Les ordonnances pour le renforcement du dialogue social ont simplifié le recours au télétravail pour les entreprises et leurs salariés. Le gouvernement a notamment créé un droit au télétravail pour les salariés en temps ordinaire. À noter qu’en période de crise sanitaire, le télétravail est obligatoire pour tous les métiers qui sont télétravaillables. En outre, il n’est plus nécessaire de modifier le contrat de travail pour mettre en place le télétravail. Un simple accord entre le salarié et l’employeur suffit.

Plus d’infos au service juridique de la CCI Alsace Eurométropole
Élise Fiorese • 03 88 75 24 22
e.fiorese@alsace.cci.fr  

Cette nouvelle organisation du travail nécessite cependant une maîtrise totale de la collaboration et du management au sein de collectifs de travail virtualisés. Si certains outils comme la visioconférence et la réalité augmentée sont prometteurs, ils ne reproduisent pas les conditions présentielles. De nouveaux modes de management doivent encore être inventés. À l’autre extrémité du spectre, l’accélération des changements augmente la charge cognitive des salariés qui doivent sans cesse se former et se challenger. « La gestion des risques psychosociaux reste une priorité dans l’agenda des DRH, assure Alexia Boehm, psychologue du travail et consultante RH. Mon rôle est d’accompagner les organisations à remettre du sens au travail, créer du lien et du cadre là où cela fait défaut. Il s’agit concrètement de former les managers, conseiller les décideurs dans leurs recrutements, leurs reclassements ou leur manière de communiquer, mais aussi d'auditer les conditions de travail ou de renforcer un collectif de travail. À distance, vous pouvez vite devenir invisible si vous ne savez pas vous mettre en avant. » La nouvelle entreprise voit également émerger de nouveaux métiers : les consultants en transformation digitale, les spécialistes des données et de l’intelligence artificielle, les as de la visioconférence, les développeurs du commerce en ligne, les energy managers. Plus qualifiés, plus verts, plus technologiques : en France, plus de 32 % des métiers vont être profondément modifiés d’ici 15 ans. > Éric Pilarczyk

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