Très haut débit : préparez-vous à décoller

Le déploiement d’un réseau très haut débit en Alsace est en cours dans les zones denses, et se prépare sur le reste du territoire, avant le grand chantier. Les enjeux économiques s’avèrent immenses. Dossier réalisé par Léa Davy.

Au même titre que les prix de l’énergie, l’accès au très haut débit s’inscrit comme un enjeu clé de la compétitivité des entreprises. Petites ou grandes. Du cabinet d’experts-comptables envoyant pléthore de fichiers lourds à ses clients à la grosse entreprise organisant des visioconférences avec ses filiales à l’étranger. Car le plus gros avantage d’un excellent débit internet réside dans une meilleure maîtrise des coûts : performance générale du système d’information, services en ligne (cloud computing), réduction des déplacements grâce aux visioconférences, réponse aux appels d’offres en ligne, mutualisation des services et des applications entre entreprises ou entre les différents sites du même groupe…

Pour l’Alsace, l’enjeu est d’autant plus important qu’elle se situe au cœur d’un réseau de fibre optique international et que, combinée à des tarifs de l’électricité avantageux par rapport à l’Allemagne, et une bonne offre en très haut débit pourrait bien attirer les investisseurs d’outre Rhin. Autre avantage non négligeable de la région, une forte densité de population, des villes moyennes bien réparties et un réseau existant en fibre ou en câble déjà important par rapport à d’autres territoires. Pour exemple, Orange déploie depuis plusieurs années des offres fibres dans les zones d’activités. À cela s’ajoutent les offres fibres proposées par Alsace Connexia et Haut-Rhin Télécom dans 42 zones d’activité sur 73 dans le Bas-Rhin et 43 zones sur 44 dans le Haut-Rhin en entrée de zones. Ces deux opérateurs, délégataires de service public de la Région Alsace, déploient depuis 2004 la fibre et l’ADSL sur le territoire pour développer la concurrence. À noter également, 12 zones d’activités labellisées Très Haut Débit dans la CUS, grâce à la présence d’au moins deux opérateurs fibre. Ces réseaux pourront servir au futur réseau très haut débit, un investissement moins coûteux que la création d’une infrastructure ex nihilo.

L’enjeu du très haut débit est tout aussi crucial dans les secteurs moins peuplés, pour qu’une « fracture numérique » ne perdure pas entre zones urbaines et zones rurales © Vvoe / Fotolia

Un déploiement partagé entre opérateur privé et collectivités

Au niveau du réseau très haut débit, où en est-on exactement ? Dans les zones denses – c’est-à-dire 73 communes dont Strasbourg, Colmar, Mulhouse, Saint-Louis, Haguenau et Sélestat – Orange y travaille. « Le déploiement de la fibre a déjà commencé à Strasbourg, Schiltigheim, Bischheim, Lingolsheim et Mulhouse, les premiers clients y sont raccordés. Les travaux sont en cours également à Illkirch-Graffenstaden, pour un raccordement à l’automne. Les études pour le déploiement de la fibre débuteront à Hoenheim et Ostwald courant 2014, » détaille Sylvie Bagnuls, attachée de presse chez Orange. Lorsque l’opérateur privé achèvera son réseau, en 2020, il couvrira 51% de la population alsacienne. Pour compléter cette «dorsale numérique», le Conseil Régional d’Alsace en partenariat avec les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, irriguera les 831 communes restantes, d’ici 2030. « C’est une question d’équité entre les territoires. Les entreprises comme les particuliers, en Alsace Bossue comme dans le Sundgau, doivent bénéficier du même niveau de service afin que la fracture numérique ne s’aggrave pas et que ces territoires accroissent leur attractivité, » souligne Carine Reber. Chargée du dossier au Conseil Régional, elle a suivi l’élaboration du SDTAN (Schéma directeur territorial d’aménagement numérique), porté conjointement par la Région Alsace et les deux départements, la base de travail qui servira au déploiement du réseau.

Le calendrier pas encore fixé

Repères

1988

Nombre d’entreprises alsaciennes relevant de l’économie numérique.Source : fichier des entreprises CCI Alsace, filière TIC (24 codes d’activité) avril 2014

30 Mbit/s

Débit minimum permis par une connexion très haut débit.Source : Arcep

 

Pour l’instant, les trois collectivités approfondissent leur avant-projet: cartographie de l’Alsace, état du réseau en fibre existant, identification des zones mal desservies… Elles espèrent constituer, d’ici début 2015, la structure chargée de coordonner les travaux, la piste envisagée étant la création d’un syndicat mixte. Les travaux seront divisés en deux phases : entre 2015 et 2020, le déploiement d’environ 260 000 prises FTTH puis, entre 2020 et 2025, les 190 000 prises restantes. Un budget conséquent – près de 400 M€ – pour les trois collectivités. « Nous espérons une aide de l’État à hauteur de 100 M€, mais il nous faudra tout de même avancer cette somme. Dans l’idéal, la mise en service du réseau débuterait en 2016 ou 2017. La seule chose définie à l’heure actuelle est le coût de la prise restant à la charge des collectivités locales : 350€, peu importe leur localisation géographique, » ajoute Carine Reber, qui compare volontiers l’enjeu du très haut débit aujourd’hui à celui de l’arrivée du chemin de fer au XIXe siècle.

Je participe