Attirer les talents, pas si simple : recrutement - les codes ont changé

La guerre des talents est le défi numéro un des entreprises, devant la gestion de la crise sanitaire, les difficultés d’approvisionnement et la transformation digitale. Un enjeu critique qui les pousse à rivaliser d’imagination pour attirer et fidéliser les compétences. Quels sont les nouveaux modes de recrutement ? Comment évoluent les critères de choix des candidats ? Quelles sont les stratégies de fidélisation des talents ?  Les réponses dans ce dossier.

Un coup d’œil sur le moteur de recherche Indeed suffit à saisir l’ampleur de la crise. Des dizaines d’offres d’emploi sont proposées en ligne dans les secteurs du commerce et de la restauration : des temps partiels ou des temps complets, des contrats à durée déterminée ou indéterminée. Mais ces deux secteurs ne sont pas les seuls à exprimer des difficultés à recruter et à fidéliser les talents dont ils ont besoin. La sortie de la récession et le retour à un niveau d’activité d’avant-Covid ont rempli les carnets de commandes. Le fameux « effet ciseau » : une offre pléthorique d’un côté et une pénurie de candidats de l’autre. La croissance est de retour, mais les compétences font défaut à tous les niveaux, des opérateurs de production aux métiers à forte expertise technique, que ce soit dans l’informatique, l’ingénierie recherche et développement ou dans la sphère industrielle. Les spécialistes des systèmes électroniques, mécatroniques et de la maintenance spécialisée sont devenus rares et précieux. Ces difficultés sont présentes dans les zones urbaines les plus attractives et plus encore dans les territoires à dominante rurale, exacerbées par l’enclavement du territoire ou un sous-équipement en matière commerciale, médicale, scolaire et culturelle.

Les valeurs d’innovation, d’engagement écologique, de bienveillance, de coopération constituent des critères de choix chez les jeunes générations en quête de sens au travail. © Adobe Stock« C’est extrêmement tendu dès que l’on cherche des profils expérimentés et il n’y a pas suffisamment de jeunes dans les métiers techniques  », pointe Jacques Triponel, délégué régional de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). Dans ce contexte de pénurie, les rapports se sont inversés. Les candidats sont en position de force pour négocier un poste. Et la rémunération n’est pas un critère déterminant. Pour  « séduire », les entreprises doivent mettre en avant un cadre de mission clairement exprimé, la qualité des relations humaines et des conditions de travail. Les valeurs les plus vertueuses de l’époque - innovation, engagement écologique, bienveillance, coopération - constituent des critères de choix, notamment chez les jeunes générations en attente de missions d’intérêt et en quête de sens au travail. Les 25-35 ans sont les plus difficiles à fidéliser. Si ces profils ne s’identifient pas aux valeurs de l’entreprise, ils n’hésitent pas à changer d’employeur. L’APEC recommande aux entreprises de se rendre plus attractives en professionnalisant leurs processus. La multiplication des canaux de recrutement  - intégrant applis de recrutement et réseaux sociaux comme LinkedIn - est devenue une règle d’or. La publication d’une offre ne suffit plus et les entreprises renouvellent leurs pratiques  : l’activation et l’entretien d’un réseau professionnel, la systématisation de la cooptation permettent d’élargir significativement le volume de candidats potentiels.

Une démarche innovante : la marque employeur territoriale

82 %
des entreprises régionales déclarent rencontrer des difficultés de recrutement.
(Source : Bpifrance)

37 %
En octobre 2021, le volume des offres d’emploi cadre a dépassé de 37 % celui de 2019, année record pour les recrutements.
(Source : APEC)

63 %
des candidats ont déjà renoncé à postuler à une offre suite aux informations recueillies sur l’entreprise.
(Source : RegionsJob)

De même, la mise en place d’un processus d’intégration formalisé - un parcours d’accueil par exemple - est un outil central pour optimiser la prise de fonction. Le renforcement de la marque et de la promesse employeur leur permet aussi d’améliorer leur visibilité et leur attractivité. Les entreprises disent attendre beaucoup de la marque employeur territoriale élaborée par l’Agence de Développement d’Alsace (ADIRA).

« La prise de poste en entreprise n’est pas seulement une question de profil technique, d’image et de prestige de l’employeur, souligne Monique Jung, directrice de l’ADIRA. C’est aussi un choix de localisation de vie. C’est pourquoi, nous avons souhaité réfléchir à une démarche innovante basée sur des valeurs, une vision, des promesses qui sont les identifiants d’une marque employeur entreprise. Mais nous les imaginons avec un regard croisé entre entreprises et territoires. Pour conduire cette réflexion, nous avons travaillé avec quatre groupes pilotes, répartis du nord au sud de l’Alsace et associant entreprises et collectivités. Nous sommes allés plus loin que nous le pensions en travaillant bien en amont du processus de recrutement, dès les choix d’orientation en facilitant les connaissances réciproques des entreprises, des formations et des adaptations possibles. En somme, mieux préparer les futurs collaborateurs aux métiers des entreprises.

Changements de paradigme

Des formations dédiées à CCI Campus

Recruter est tout un art et l’utilisation des applis et des réseaux sociaux ne s’improvise pas. D’où les deux formations proposées par CCI Campus pour aider les entreprises à perfectionner leurs méthodes de recrutement : « Réussir ses recrutements » (session de 2 jours) et « Réussir ses recrutements via les réseaux sociaux » (1 jour). CCI Campus propose aussi un appui au recrutement d’alternants : 900 apprentis recrutés et 1 800 formés chaque année.

Contact CCI → CCI Campus Alsace
Marion Baflan
03 88 43 08 23
m.baflan@alsace.cci.fr

Il s’agit ensuite de formaliser tout un processus destiné à faciliter l’accès aux informations dont les futurs collaborateurs ont besoin pour choisir un poste. Au-delà du choix d’une entreprise, c’est aussi une envie de s’installer dans un territoire qu’il faut promouvoir, puis faciliter l’intégration des personnes sur leurs lieux de vie. Ces approches traduisent des évolutions profondes, voire des changements de paradigme, un renouvellement du métier de ressources humaines, mais également une nouvelle façon de travailler ensemble. » Dans un marché de l’emploi de plus en plus concurrentiel, la capacité à attirer les candidats devient le nerf de la guerre et la marque employeur un vecteur hautement stratégique. « À l’heure du tout digital, il est très facile de se renseigner sur une entreprise à travers les avis déposés via les moteurs de recherche ou les empreintes laissées sur les réseaux sociaux, confirme Valérie Sommerlatt, directrice de CCI Campus. L’entreprise doit donc maîtriser sa communication sous tous ses aspects, valoriser ce qu’elle fait de mieux pour ses clients, mais aussi pour ses collaborateurs. Elle a intérêt à miser sur ses meilleurs ambassadeurs : les salariés en poste, puisqu’ils vivent la marque de l’intérieur. La marque employeur est décisive pour attirer les jeunes talents, cette fameuse génération Z, hyperconnectée et résolue à ne pas transiger sur certains sujets comme la protection de l’environnement. Je cite souvent en exemple cet étudiant refusant une offre d’emploi dans une enseigne d’habillement haut de gamme parce que les produits n’étaient pas écoconçus. Le cas semble extrême, mais il illustre l’état d’esprit, le désir d’éthique de ces jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi.

La CCI a créé une cellule "Accueil nouveaux salariés" en collaboration avec la m2A. Objectif : favoriser la mobilité géographique des candidats hors Alsace et de leur famille en les accompagnant dans leur installation et leur intégration en Sud Alsace.

Contact CCI → Direction Attractivité et Développement des Territoires
Audrey Kessler • 06 98 41 64 07
a.kessler@alsace.cci.fr

Les employeurs n’ont d’autre choix que de s’adapter à cette nouvelle donne. Mon conseil  : une bonne marque employeur de « façade » suffira peut-être à attirer ces nouveaux candidats, mais pas à les fidéliser. Mieux vaut miser sur un discours de vérité et améliorer la politique ressources humaines en apportant des réponses individualisées à chaque collaborateur. » Autre levier de recrutement de plus en plus sollicité par les entreprises  : l’alternance. Dans l’hôtellerie-restauration comme dans le commerce, l’industrie et le bâtiment, la filière a la cote. L’Alsace forme chaque année près de 20 000 apprentis. Cette progression doit beaucoup au succès de la formule dans l’enseignement supérieur. « Les employeurs, qui peinent actuellement à recruter, sont tentés de recourir aux contrats d’apprentissage avec des élèves du supérieur dans l’espoir de les garder une fois leur formation terminée, analyse Valérie Sommerlatt. L’alternance est un levier performant pour une entreprise qui cherche à engager ses collaborateurs de demain et à rajeunir ses équipes. C’est aussi un dispositif très intéressant aujourd’hui sur le plan financier avec les aides prévues dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » destiné à soutenir l’alternance : 5 000 € pour un alternant de moins de 18 ans, 8 000  € pour un alternant majeur pour la première année de chaque contrat d’apprentissage conclu entre le 1er juillet 2020 et le 30 juin 2022, préparant à un diplôme allant jusqu’au Master. Avec le chiffre record de 700 000 contrats conclus en France en 2021, l'alternance est enfin reconnue à sa juste valeur : comme une voie de formation d'excellence ! > Eric Pilarczyk

Je participe