Des valeurs sûres aux nouveaux concepts : restauration : après la résistance, la renaissance

Le secteur fait partie de ceux qui ont le plus souffert des conséquences de la pandémie. Mais ces entreprises, souvent en structure individuelle ou familiale, ne manquent ni de ressources, ni d’idées. Certaines repartent d’une page blanche, d’autres appliquent de nouvelles recettes et beaucoup capitalisent sur leur métier et l’empathie qu’elles suscitent. Entrez dans la nouvelle ère de la restauration. 

Les restaurants s’engagent vers des valeurs comme la santé, le bio, le bien-être animal ou la protection de la planète. © Adobe Stock Le secteur est important, ne serait-ce que pour le moral des Français. En termes économiques, la France compte quelque 200 000 restaurants, dont plus de 5 000 en Alsace. À l'issue d’une crise sans précédent, la restauration rassemble cependant des réalités bien différentes en fonction de la situation du restaurateur : locataire ou propriétaire, montant des emprunts, ancienneté de l’entreprise, montant de la trésorerie, type de restauration, click and collect ou pas. Entre ceux qui venaient d’ouvrir et ceux qui peuvent compter sur une clientèle fidèle, entre les pros du snack et les bistronomiques, les conditions du rebond ne sont pas les mêmes. Mais c’est aussi un fait, chaque crise crée des opportunités pour ceux qui savent les saisir. Ce renouveau est aussi porté par les nouvelles tendances et les nouveaux usages d’un secteur qui se réinvente. À commencer par la livraison et la vente à emporter appelées à s’installer durablement, quelle que soit la situation sanitaire. Selon le cabinet Deloitte, le marché de la livraison de repas connaîtra une croissance de 10 % par an en Europe d’ici 2023. L’un des moteurs de ce développement exponentiel ? Les applications de livraison de repas et l’utilisation croissante des plates-formes.

Place aux technologies sans contact

Si un certain nombre de restaurants tentent de s’adapter en proposant leur propre service de livraison, d’autres réagissent en élaborant des menus spéciaux « vente à emporter et livraison ». Lorsqu’on sait que près de 80 % des 18-39 ans commandent des plats à livrer au moins une fois par semaine, la livraison de repas et la mise en place des ventes à emporter apparaissent comme une tendance évidente.
Face aux nouvelles attentes de la clientèle en matière de distanciation sociale et d’hygiène, les restaurants s’adaptent avec des solutions qui respectent cette nouvelle norme. Les paiements sans contact ou les QR codes, qui permettent aux clients de consulter directement le menu et de passer commande depuis leur smartphone, sont devenus des outils très prisés par les utilisateurs. Les restaurateurs y voient aussi des avantages : service de table accéléré, gain de temps pour les serveurs qui peuvent se focaliser sur les clients. L’avenir, c’est aussi la montée de la lutte anti-gaspillage, la visibilité sur les réseaux sociaux ou encore les concepts empruntés au commerce de détail comme apposer un sticker « Commandez votre repas » sur les posts Instagram, faire des sites en ligne une vitrine de son savoir-faire et des produits qu’on utilise. Parmi les outils numériques, l’application TheFork fait référence dans la profession, tout comme Booking.com pour l’hôtellerie. La plate-forme française de réservation de restaurants en ligne a anglicisé son nom d’origine - LaFourchette - pour parler à un large public international. Elle est aujourd’hui incontournable.

Au cœur de la Petite France, La Corde à Linge dispose d’une des plus belles terrasses strasbourgeoises. © Anne Milloux

La tendance locale s’annonce durable

Nul doute non plus, qu’au-delà de ces tendances, l’expérience du service à table et la qualité de l’assiette demeurent les fondements du succès de la restauration.
« Le modèle français a encore de beaux jours devant lui, assure Jacques Lorentz, gérant de l’hôtel-restaurant Au Tilleul à Mittelhausbergen et président des restaurateurs de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) de l’Eurométropole de Strasbourg. Nos chefs sont des créateurs de recettes et leur savoir-faire est le meilleur atout de la profession pour rebondir. D’autant qu’ils s’appuient de plus en plus sur les produits locaux pour travailler les plats. Cette tendance locale, révélée par la crise sanitaire, est partagée par tous les établissements, qu’il s’agisse d’une cuisine classique ou très haut de gamme. Et le terroir alsacien a toute la richesse suffisante pour répondre aux attentes de la clientèle. Du sanglier en janvier au foie gras en décembre, en passant par les créations à base de pissenlits, les asperges au printemps ou encore les champignons en octobre. Les meilleures recettes sont celles qui respectent la saisonnalité des produits pour offrir une variété infinie de goûts et de saveurs. »

Les nouveaux repaires culinaires bourgeonnent

Tradition et créativité stimulent le secteur, comme le confirme Nathalie Schneider, directrice Appui à l’Hôtellerie-Restauration/Tourisme à la CCI, qui cite en exemple la Grand’Rue à Strasbourg, véritable laboratoire des nouvelles tendances gastronomiques. « Tous les quatre ou cinq ans, la restauration se renouvelle et de nouveaux concepts apparaissent entre cuisines du monde, street food et spécialités atypiques, qui inventent une manière de manger autrement.

Relever le défi du recrutement et des compétences ”

chiffres-clés
7000
En Alsace, le secteur des cafés, hôtels, restaurants (CHR) regroupe près de 7 000

établissements et environ
40 000 emplois.
(Source : CCI Alsace Eurométropole)

90%
Près de 90 % de ces établissements ont moins

de 10 salariés.
(Source : CCI Alsace Eurométropole)

87%
Plus de 64 % des restaurateurs estiment que les outils numériques (commandes

en ligne...) les ont aidés pendant la crise et 87 % continueront à les utiliser.
(Source : TheFork 2021)

L’optimisme reste de mise. Les aides ont joué leur rôle pendant la crise et les restaurateurs, qui ont su réagir pendant et après la tempête, s’en sortent aujourd’hui, car la clientèle est au rendez-vous, impatiente de retrouver la cuisine française et son art de vivre. Les Alsaciens ont une vraie culture gastronomique. Et cet intérêt va au-delà de la dégustation. Ils aiment comprendre comment on cuisine tel plat, telle recette. Ils aiment surtout découvrir de nouveaux concepts. » Aux quatre coins de la capitale alsacienne, de nouveaux repaires culinaires bourgeonnent. Et les fameux food courts ne vont pas tarder à essaimer dans notre région. Un modèle anglo-saxon, semblable aux halles gourmandes, où le visiteur vient flâner avant de commander son repas. Ces temples de la cuisine populaire séduisent autant les gourmands que les gourmets. D’autres tendances émergent comme les restaurants thématisés ou ceux qui font à la fois office de lieux de restauration et d’espaces de vie avec une véritable programmation culturelle et événementielle.
Se réinventer ou capitaliser sur son savoir-faire : la majorité des restaurateurs demeurent confiants dans l’avenir de leur entreprise.
Mais il leur reste à relever le défi du recrutement et des compétences. « Les équipes, qui étaient en place avant la crise sanitaire, ne sont plus au complet, constate Sébastien Malgras, directeur général du CEFPPA Adrien Zeller, le centre de formation dédié au secteur de l’hôtellerie-restauration. Les besoins se font principalement sentir dans les métiers les plus classiques comme la cuisine et le service en salle, mais ils concernent aussi l’encadrement ou des postes plus spécifiques comme barman ou sommelier. Nous proposons nos services autour des parcours de formation en alternance qui permettent de former sans avoir à supporter des charges excessives. Nous travaillons également avec les prescripteurs de l’orientation sur un concept de formation courte d’accès à l’emploi. Nous sommes aussi capables de construire des parcours sur mesure, réalisés directement dans les entreprises. Enfin, nous organisons des mises en relation entre les établissements qui recrutent et nos stagiaires. De nombreux jeunes professionnels ont besoin d’être rassurés sur les opportunités offertes par le secteur. » Encore un message d’optimisme pour les restaurateurs. > Eric Pilarczyk

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