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Restauration : le fait-maison brouille-t-il les cartes ?

Répondant à un besoin de transparence des consommateurs, les marques de distinction dans la restauration se multiplient ces dernières années. avec le label fait-maison, les consommateurs – et parfois les cuisiniers eux-mêmes – perdent leurs repères… Quelques explications.

Repères

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en Alsace, dont 1831 dans le Bas-RhinSource: fichiers des entreprises CCI

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en Alsace, dont 105 dans le Bas-Rhin Source: Maîtres-restaurateurs

 

Renommée pour sa gastronomie, la France l’est également pour les nombreux titres, certifications, labels ou autres reconnaissances qui figurent sur les cartes – et plaques – des restaurants. À l’origine, une volonté des professionnels de garantir à leurs clients la qualité des mets servis dans l’assiette, mais aussi de se distinguer de certaines formes de restauration rapide ou d’établissements qui se contentent de revendre des produits prêts à consommer.

Derrière leurs démarches, des philosophies, des challenges qui sont parfois compliqués à comprendre, que l’on soit du métier ou simple consommateur. Récemment, venu se juxtaposer aux différentes « reconnaissances » existantes, voire aux distinctions des Michelin et autres Gault et Millau, le label fait-maison. Si celui-ci implique une certaine transparence pour le consommateur qui voit apposé un label à côté de chaque plat fait-maison, certains professionnels que nous avons interrogés considèrent que les règles fixées sont bien trop souples et constituent une porte ouverte à des dérives. Et les éléments relatifs à l’utilisation de produits surgelés peuvent créer des confusions dans leur interprétation. « C’est une loi d’information qui est à la fois un peu floue et compliquée », affirme Jacques Eber, le patron des Plaisirs Gourmands à Schiltigheim/67 et délégué Est de l’association française des maîtres-restaurateurs (il a été le premier à obtenir le titre dans le Bas-Rhin).

Et d’ajouter : « Faite pour différencier ceux qui proposent du fait-maison des réchauffeurs, ce que j’applaudis des deux mains, la loi est difficile à mettre en application. Attention aux pièges ! Un exemple : je ne crois pas que l’on puisse trouver une pizza faite maison en hiver. Certes la pâte sera passée au laminoir, les champignons et les herbes seront frais, mais la tomate aura-t-elle été coupée en petits morceaux pour en faire un coulis ? Les tomates n’étant pas des produits d’hiver, les restaurateurs utiliseront des conserves. Et c’est là où le bât blesse : si l’établissement affiche le logo du fait maison, il est passible de sanction », rappelle Jacques Eber. Par ailleurs, que signifie vraiment le label fait-maison, dans la mesure où on le trouve aussi bien dans un restaurant traditionnel que dans un établissement de vente à emporter ?

© Lumières / Fotolia

Maître-restaurateur, seul titre d’État

régionale, à la fois créative et innovante, sont nombreuses, on milite surtout en faveur du titre de maître-restaurateur. « Le maître-restaurateur n’a pas besoin d’apposer le logo vis-à-vis de chaque plat, car il est le véritable ambassadeur du fait-maison. Notre seule exception concerne les frites. Si elles sont surgelées le maître-restaurateur doit en informer le client », observe Jacques Eber. « Le fait-maison constitue une avancée, mais elle n’est pas suffisante », appuie Jean-Jacques Better, président de l’Union des Métiers et des Industries de l’hôtellerie du Haut-Rhin. « Dans le fait-maison, on retient les produits bruts et non les produits frais, les contrôles se font a posteriori ». Alors que le titre de maître-restaurateur, soumis à un organisme certificateur, garantit la qualité de A à Z, et permet aux consommateurs de distinguer un établissement qui propose de la cuisine traditionnelle fait-maison de celle des réchauffeurs. De surcroît, c’est l’ensemble de l’établissement qui est mis en valeur, en certifiant que les personnels sont diplômés. C’est aussi le seul titre d’État, où le restaurateur a pris lui seul la décision de se faire auditer par un organisme indépendant », ajoute Jacques Eber.

La nouvelle loi du fait-maison devrait être suivie par la mise en place du titre d’artisan-cuisinier, proposé sur la base du volontariat aux établissements de moins de dix salariés. Pour Joseph Leiser, qui pourtant accumule titre et labels, « le fait-maison représente une hérésie totale. Même les organismes certificateurs y perdent leur latin. Alors que le steak haché surgelé cuisiné dans le restaurant pourra être considéré comme du fait-maison, la frite surgelée ne le sera pas ! » Pour lui, « on commence à faire tout et n’importe quoi. Il faudrait un label national qui atteste du professionnalisme du cuisinier. » Chef de l’Auberge au Zahnacker (Ribeauvillé /68), ce chef de cuisine fait partie de ceux qui ont passé la certification régionale et le titre de maître-restaurateur. Deux procédures quasiment identiques selon lui, même si la première était légèrement plus contraignante. À l’origine de ses démarches, une volonté d’avoir une reconnaissance. D’où son adhésion également au Collège Culinaire de France. Président de la Fédération des chefs cuisiniers d’Alsace depuis deux ans, il est fier d’appartenir à cette association de chefs qui atteint près de 170 membres en Alsace. Pour autant, juxtaposer les labels a-t-il plus d’impact sur la clientèle ? À l’évidence, les établissements qui arrivent à fidéliser leurs clients le sont – et le seront toujours – grâce à leur régularité dans la qualité des plats, la créativité du chef, l’environnement agréable et le service… sympathique. Françoise Herrmann

09/03/2015Partager