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Conflit en Ukraine : les conséquences sur l’exécution des contrats

© Adobe StockRetards de livraison, difficultés de paiement, impossibilité d’approvisionnement ou encore augmentation du prix des matières premières, la crise sanitaire et à présent le conflit en Ukraine mettent de nombreuses entreprises en difficulté dans l’exécution de leurs contrats. Ces difficultés sont susceptibles de générer des litiges entre cocontractants. Le droit français prévoit deux mécanismes permettant tout particulièrement d’appréhender des événements imprévisibles qui surviendraient en cours d’exécution du contrat et qui en rendraient l’exécution impossible ou excessivement onéreuse : la force majeure et l’imprévision.
Plusieurs situations doivent être distinguées :

Entreprises qui subissent des conséquences directement liées aux sanctions

Ces contrats pourront donc être suspendus ou résolus de plein droit s’il est démontré que ces sanctions sont, du point de vue de l’entreprise, à la fois imprévisibles, extérieures et irrésistibles, conditions nécessaires de l’existence de la force majeure en droit français. Mais encore faut-il que cet événement empêche véritablement le cocontractant d’exécuter ses obligations, ce qui n’est pas toujours le cas. Ainsi, pour un contractant lié à un partenaire ukrainien ou russe empêché d'exécuter ses obligations contractuelles, il est recommandé de regarder dans son contrat quelle est la loi applicable, si une clause spécifique « force majeure » existe et de notifier par écrit dans tous les cas et très rapidement à son cocontractant la survenance de l'événement constitutif de « force majeure ».

Entreprises qui subissent des conséquences indirectement liées aux sanctions

Pour les entreprises, dont le contrat ne relève pas directement du périmètre des sanctions, mais qui subissent également les conséquences de ce conflit (renchérissement des produits indispensables à l’exercice de certaines activités, parmi lesquels le gaz, les engrais, les céréales ou bien encore les composants électroniques), si le surcoût n’est pas de nature à caractériser une « impossibilité » au sens de la notion de force majeure, il pourra être invoqué dans le cadre d’une action en révision pour imprévision. S’agissant de la guerre en Ukraine, on peut hélas craindre qu’elle aboutisse à rendre l’exécution de certains contrats bien trop chère pour certains cocontractants dont les sources d’approvisionnement ne sont pas substituables. Dans ce cas, il semble essentiel que ces entreprises demandent dès à présent une renégociation du contrat, car c’est une étape indispensable avant la saisine d’une juridiction pour réviser le contrat ou y mettre fin. D’où l’importance de l’insertion et de la bonne rédaction de clauses contractuelles relatives à la force majeure, l’imprévision et la révision des prix.

Le cas des marchés publics

Les conditions d’exécution des contrats de marchés sont également affectées, qu’il s’agisse du choix initial des matériaux, des différents surcoûts liés à l’augmentation du prix des matières premières, de l’adaptation des quantités ou des délais contractuels. Une circulaire « relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières » a été prise le 30 mars 2022, dans laquelle il est demandé aux acheteurs de l’État, des collectivités locales et des établissements publics de mettre en œuvre les leviers juridiques permettant d’atténuer les effets des aléas économiques et d’aider les entreprises à poursuivre l’exécution des contrats dont l’équilibre financier serait bouleversé par la dégradation des conditions économiques. Si le principe de continuité du service public exige que le cocontractant poursuive l’exécution du contrat sans modification des clauses contractuelles, il est possible de faire jouer la théorie de l’imprévision. Elle permet d’indemniser le cocontractant au titre des charges extracontractuelles bouleversant l’équilibre du contrat. À cet égard, la circulaire apporte des précisions utiles sur les modalités de calcul et de versement de l’indemnité. La reconnaissance des faits d’imprévision est conditionnée par l’existence d’une situation extérieure aux parties et imprévisible au moment de la passation du contrat. Bien que le juge administratif apprécie strictement cette condition, la hausse exceptionnelle des prix ou la pénurie de gaz, de carburants et de certaines matières premières ou autres fournitures consécutive à l’invasion de l’Ukraine semble correspondre à la définition des événements extérieurs qui ne pouvaient être raisonnablement prévus par les parties. Mais cette reconnaissance de faits extérieurs et imprévisibles ne suffit pas à déclencher le mécanisme de l’imprévision. L’entrepreneur doit être en mesure d’établir que l’événement a « bouleversé l’économie du contrat ». Un simple manque à gagner n’est pas suffisant. Cette notion de « bouleversement » est laissée à l’appréciation du juge, au cas par cas, compte tenu des charges nouvelles pesant sur le contrat en raison de l’augmentation exceptionnelle du coût des matières premières et au regard des justificatifs apportés par l’entreprise.

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