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Frank Maire  : logement neuf, une crise historique

Vice-président Grand Est du Pôle Habitat Fédération Française du Bâtiment (FFB) et président du Pôle Habitat FFB Bas-Rhin

Les ventes de logements neufs ont connu une baisse de 26 % en 2022, et 2023 s’annonce encore pire. Quelles en sont les raisons ?

Frank Maire  Vice-président Grand Est du Pôle Habitat Fédération Française du Bâtiment (FFB) et président du Pôle Habitat FFB Bas-Rhin © DRAlors que le logement neuf s’enfonce depuis près de 10 mois, dans une crise d’une ampleur inédite, il me faut revenir sur l’actualité du 5 juin, date à laquelle le gouvernement a rendu ses décisions suite aux travaux du CNR Logement. Celles-ci devaient être une contribution à un plan d'action partagé avec les professionnels de la construction et de l’immobilier. Or, les mesures annoncées ont démontré que le gouvernement n’a aucunement tenu compte des préconisations émises par les groupes de travail qui ont planché pendant plus de trois mois sur un plan de relance du logement. Ces annonces ont été qualifiées par toutes les fédérations professionnelles de « mépris » à l’égard de leurs métiers. Elles traduisent une méconnaissance des enjeux et du fonctionnement de la chaîne du logement. La crise, que nous vivons, est le résultat d’une politique publique du logement désastreuse depuis des décennies, aggravée par la conjoncture internationale. Pour répondre aux besoins de la population, il faudrait construire un minimum de 450 000 logements par an. En 2022, seulement 371 000 ont été bâtis et l’on devrait passer sous la barre des 300 000 unités cette année. Pourtant, la demande n’a jamais été aussi forte en raison de la démographie, de la décohabitation (divorces, autonomie des enfants). En outre, selon la Fondation Abbé Pierre, 4,3 millions de Français sont mal logés et 2,3 millions de ménages sont en attente d’un logement social. Avoir un toit est un besoin primaire. Depuis le début de l’année, les ventes de logements neufs sont quasiment à l’arrêt sur de nombreux territoires.

Bio express

→ Depuis 2022 : vice-président Grand Est Pôle Habitat Fédération Française du Bâtiment (FFB)

→ Depuis 2021 : membre du Bureau de la CCI Alsace Eurométropole

→ Depuis 2020 : président Pôle Habitat FFB du Bas-Rhin

→ Depuis 2013 : associé gérant d’Alcys Réalisations

→ 2011-2017 : vice-président Alsace-Lorraine des Promoteurs immobiliers de France

→ 2008-2013 : PDG Trianon Résidences

Cette situation catastrophique a de multiples causes. D’abord, la guerre en Ukraine qui a provoqué une explosion du prix des énergies et des coûts de la construction (+ 20 % en 12 mois), eux-mêmes déjà fortement impactés par la mise en place de la réglementation thermique (RE2020). Les prix du foncier continuent de croître rapidement en raison de sa rareté. L’objectif de Zéro Artificialisation Nette des sols (ZAN) va d’ailleurs encore contribuer davantage à cette hausse, en créant de sérieux problèmes d’aménagement du territoire. Par ailleurs, l’accès au crédit immobilier est devenu difficile à cause de l’augmentation des taux d’intérêt et du durcissement des critères d’attribution des prêts. Enfin, le dernier dispositif Pinel est devenu moins attractif en 2023 et devrait disparaître fin 2024.

Quelles solutions préconisez-vous ?

La Fédération Française du Bâtiment a émis plusieurs propositions. Il faut tout d’abord assouplir l’accès au crédit immobilier, même temporairement, et relancer le prêt à taux zéro pour 40 % de l’investissement sur l’ensemble du territoire. Cela permettrait de resolvabiliser les primo-accédants. Pour compenser les surcoûts liés à la RE2020, il faudrait par exemple permettre aux ménages de déduire de leurs impôts tout ou partie des intérêts d’emprunt. Quant au dispositif Pinel, il devrait être maintenu dans sa version de 2022 jusqu’à la mise en place d’un statut fiscal pérenne pour les bailleurs privés. La Caisse des dépôts et consignations est mobilisée par l’État pour racheter aux promoteurs des stocks de logements invendus… mais encore faut-il que les prix d’achat permettent la vente avec la marge minimale requise par les banques qui financent l’opération. Il est impératif que l’État mette en place un plan solide et pérenne pour répondre aux besoins diversifiés de logements sociaux, en accession à la propriété ou locatifs privés.

Les collectivités locales ont-elles aussi un rôle à jouer ?

Oui, elles doivent revoir les règles d’urbanisme de sorte que les droits à construire des Plans locaux d’urbanisme (PLU) puissent s’appliquer de plein droit. Elles peuvent contribuer à la sobriété foncière, en développant une densification « douce », une reconstruction de la ville sur la ville accompagnée d’un travail pédagogique auprès des riverains. L’intérêt général doit prévaloir sur les intérêts particuliers.

Comment évaluez- vous l’impact de cette crise majeure sur l’économie ?

Nous estimons que la construction d’un logement génère 1,6 emploi direct et indirect. Le secteur de la construction représente 10 % du PIB et 9 % des emplois. Par conséquent, ce sont plus de 100 000 emplois qui sont menacés. En outre, quand l’État investit 1 € dans la construction, il en retire 2,30 € sous forme d’impôts et taxes. Relancer le logement devrait être une grande cause nationale. > Propos recueillis par Patrick Heulin

04/07/2023Partager