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L'invité du mois : Tony Fasciglione

Président de la Compagnie des juges consulaires de Strasbourg

© DRQuelles sont les spécificités du droit local alsacien-mosellan en matière de justice commerciale ?

En Alsace-Moselle*, la justice commerciale dépend du tribunal judiciaire et non du tribunal de commerce, comme c’est le cas dans le reste de la France. Selon le principe de l’échevinage, les affaires sont entendues et jugées par une juridiction composée d’un magistrat de carrière et de deux juges consulaires. Ces derniers sont des dirigeants d’entreprise bénévoles, élus par les membres de la chambre de commerce et de la chambre de métiers. Ils bénéficient d’une formation initiale et continue à l’École nationale de la magistrature. À Strasbourg, nous sommes 32 avec des compétences techniques dans 17 secteurs d’activité. C’est un dispositif équilibré puisqu’il associe le monde économique à l’autorité judiciaire.

Les juges consulaires sont principalement associés aux procédures collectives. Est-ce le cas ?

En réalité, ce n’est qu’une partie de notre mission. Nous intervenons principalement pour régler les litiges commerciaux entre entreprises et nous ordonnons des injonctions de paiement, dernière étape avant un contentieux. Dans 98 % des cas, elles aboutissent. Nous sommes également juges conciliateurs. La conciliation est un dispositif impartial, confidentiel et gratuit, qui permet d’éviter une procédure longue et coûteuse. Enfin, en 2022, j’ai mis en place à Strasbourg un dispositif de prévention unique en France. Il permet à un chef d’entreprise en difficulté de redresser sa situation avant d’en arriver à une procédure collective. Nous l’écoutons et l’orientons vers des interlocuteurs susceptibles de l’aider à trouver des solutions efficaces. Cela prend la forme d’une demande de rendez-vous gratuit à l’initiative du dirigeant lui-même, de son commissaire aux comptes ou même de salariés inquiets de la situation de leur employeur. La demande se fait sur la plate-forme accueiljusticecommerciale.fr (cf. page 38). L’important est de ne pas laisser isolé un chef d’entreprise en difficulté. Nous travaillons avec le Club des élus de la CCI pour mieux faire connaître nos actions de prévention auprès des chefs d’entreprise.

Bio express

→ 1998 : PDG de Compagnie Générale de Vidéotechnique (CGV) à Ostwald

→ 2010 : élu juge consulaire à Strasbourg

→ 2017 : nommé par le London Stock Exchange parmi les 1 000 managers européens les plus inspirants

→ 2020 : président du conseil de surveillance de CGV

→ 2021 : président de la Compagnie des juges consulaires de Strasbourg

Quel est votre rôle dans une procédure collective ?

Notre objectif est avant tout d’éviter la disparition de l’entreprise, tout en préservant l’intérêt des créanciers, afin de prévenir tout effet domino. Nommés juges-commissaires par le tribunal, nous avons tous les pouvoirs pour assurer le bon déroulement de la procédure et protéger les intérêts en présence. Notre avis est pris en compte pour toutes les décisions. Avant d’engager une procédure collective, nous essayons de mettre en place une procédure amiable en désignant un mandataire ad hoc. Celui-ci aide le dirigeant à négocier un accord avec ses créanciers en rééchelonnant ses dettes de manière totalement confidentielle. Dans tous les cas, le chef d’entreprise reste le seul maître à bord de sa société.

Quelle est la tendance en matière de procédures collectives depuis le début de cette année ?

Si les deux dernières années ont été marquées par un faible niveau de défaillances, nous nous attendons à une hausse des procédures collectives à partir de mai/juin, puis une amplification en septembre. Cela s’explique par la fin des prêts garantis par l’État, par un durcissement d’accès aux crédits bancaires et par une position moins conciliante des collecteurs sociaux tels que l’Urssaf. > Propos recueillis par Patrick Heulin 

* juridictions de Strasbourg, Colmar, Mulhouse, Saverne, Metz et Thionville

 

06/03/2023Partager