La mutation des espaces s’accélère : immobilier de bureaux : le grand chamboulement

Nouvelle organisation du travail, mais aussi nouveaux enjeux écologiques et fonciers : l’immobilier de bureaux en Alsace est à un tournant stratégique. Dans un contexte de forte demande, les entreprises ajustent leurs besoins en mètres carrés, optimisent les surfaces et réinventent les espaces. Place à la flexibilité, à la modularité et à la convivialité. Vive la révolution tertiaire !

steelcase.com/resources/furniture-images/«Desk is dead ? » pour reprendre la formule d’un major du numérique. Pas si sûr ! Toutes les études le confirment : l’immobilier de bureaux reste un marché très dynamique en Alsace. La demande continue de progresser, en particulier sur le territoire de l’Eurométropole de Strasbourg qui concentre les projets tertiaires. L’Observatoire du Club de l’immobilier d’entreprise du Bas-Rhin a ainsi recensé, l’an dernier, plus de 195 transactions de bureaux pour une surface totale de 78 300 m² placés, contre 65 000 en 2019. Et la tendance demeure orientée à la hausse en raison d’une demande croissante. « L’attrait de Strasbourg, notamment, est important, souligne Pierre Laplane, directeur de l’Agence de développement et d’urbanisme de l’agglomération strasbourgeoise (ADEUS). La perception des investisseurs est très positive et le marché est animé par un stock de locaux neufs disponibles. » L’offre de l’Eurométropole est estimée à 154 000 m², dont plus de 40 000 m² de bureaux neufs situés pour l’essentiel à Strasbourg, hors parcs tertiaires. Les sites Archipel et Coop continuent de concentrer une grande partie de cette offre neuve disponible. Quant aux parcs tertiaires, ils regroupent 38 % du stock autour de trois grands pôles : l’Espace Européen de l’Entreprise de Schiltigheim, le Parc d’Innovation d’Illkirch et l’Aéroparc d’Entzheim. « Cette offre va continuer de progresser, poursuit Pierre Laplane. Parmi les projets en cours : le technoparc Nextmed et ses 30 000 m² d’activités dédiées aux technologies médicales et à l’e-santé, opérationnel d’ici deux ans. »

La stabilité du marché attire

61 200

D’ici fin 2022, l’offre de l’Eurométropole de Strasbourg sera alimentée par 61 200 m² supplémentaires de bureaux neufs dont 34 % seront localisés dans les quartiers centraux de Strasbourg.
Source : Observatoire du Club de l’immobilier d’entreprise

55%

Les parcs tertiaires captent 55 % de la demande placée en bureaux dans l’Eurométropole de Strasbourg.
Source : Observatoire du Club de l’immobilier d’entreprise

87%

C’est la proportion de salariés qui souhaitent un mix bureau/télétravail.
Source : enquête Multiburo

Olivier Braun, directeur de Rive Gauche CBRE Strasbourg, dresse, lui aussi, un constat positif sur le marché des bureaux qui attire avant tout par sa stabilité. « Strasbourg est une des seules métropoles françaises à enregistrer une progression de l’immobilier tertiaire. Le quartier d’affaires Archipel, où nous avons commercialisé plus de 80 % des surfaces livrées, est emblématique de cet élargissement de l’offre avec trois grosses locomotives installées sur le site : Crédit Mutuel, Adidas et Puma. L’immeuble « 1522 » va encore enrichir cette offre. Cela correspond à de véritables besoins chez des clients qui veulent se regrouper sur un même site ou quitter des bureaux anciens qui n’étaient plus aux normes énergétiques pour de nouveaux plateaux plus grands, vertueux et ultramodernes. Il y avait de nombreuses entreprises en attente de quelque chose de nouveau, de qualitatif, qui choisissent désormais d’aller sur Archipel ou d’autres sites attractifs comme l’Espace Européen de l’Entreprise. Et d’autres chantiers nourrissent le rayonnement de la place strasbourgeoise comme le développement du Port du Rhin et les réflexions autour du projet de transformation du secteur à l’arrière de la gare. Il est capital de produire des mètres carrés pour maintenir la vitalité du tissu économique et offrir des alternatives aux attentes des entreprises. Un marché, qui ne développe pas de surfaces de bureaux, est un marché qui se replie sur lui-même. » À Mulhouse aussi, l’immobilier de bureaux s’inscrit dans un contexte de croissance. Avec plus de 63 000 m2 d’offre immédiate l’an dernier, dont 17 % de neuf, le marché est reparti à la hausse. « Cela concerne tous les parcs tertiaires de la ville, et notamment le parc des Collines, le quartier d’affaires de la gare TGV avec l’ouverture du Platinium et bien sûr le projet Fonderie, décrit François Strassel, directeur du Développement économique à Mulhouse Alsace Agglomération (m2A). Nous recueillons les fruits d’une politique d’attractivité articulée autour du label « Mulhouse, Territoire d’industrie » qui séduit les entreprises. Ce rayonnement s’étend jusqu’à la bande rhénane, où des sites comme Chalampé et les ports rhénans se positionnent également sur l’immobilier tertiaire. »

Un avant et un après-Covid

Le nouveau siège Puma installé dans le quartier d’affaires Archipel à Strasbourg a été conçu avec ses salariés. Son rooftop offre une vue exceptionnelle sur le Parlement européen et sur la ville. © TrendsDu côté de la CCI Alsace Eurométropole, les services sont attentifs à cette forte demande des entreprises. « Ce sont souvent des sociétés déjà implantées sur nos territoires, observe Olivier Schmitt, directeur Attractivité et Développement des Territoires. À l’étroit dans leurs locaux, elles ont besoin de place supplémentaire en lien avec une hausse des commandes ou l’obtention de nouveaux marchés. Nous nous appuyons sur les synergies avec nos partenaires - communautés de communes, ADIRA, aménageurs - pour orienter ces entrepreneurs vers les offres pouvant leur correspondre. » Si les entreprises cherchent à gagner ou optimiser des surfaces en fonction de leurs besoins, elles sont aussi amenées à réinventer les espaces et les usages face à la nouvelle organisation du travail. Il y a un avant et un après-Covid. La crise sanitaire a amplifié les changements du rapport au travail. Les entreprises développent les bureaux partagés - flex office -, plus collaboratifs et plus agiles, ajustés en fonction de la présence ou non des collaborateurs. Elles aménagent des espaces de travail collectifs conçus de plus en plus comme des lieux d’échange et de vie sociale.

Le coworking, plus qu’une tendance

Flexibilité maximale avec le coworking qui, comme son nom l’indique, consiste à partager un espace de travail commun. Un phénomène amplifié par la crise sanitaire et la montée en puissance du télétravail. Les entreprises, contraintes de rationaliser certains coûts fixes ou en quête de nouveaux modèles collaboratifs, plébiscitent de plus en plus cette solution qui présente quatre avantages stratégiques : souplesse de l’offre, sur mesure et modulable, optimisation des mètres carrés, mix bureau-télétravail, services associés comme le secrétariat, les animations et le networking. En France, le nombre d’espaces de coworking - 1 700 au total - a triplé depuis 2015. À Strasbourg, après l’acteur historique Regus, d’autres établissements ont trouvé leur place comme
Le Lodge, Quai n°10, Hello’Working, Multiburo ou encore La Plage Digitale et Welcome Coworking.

L’heure est à la modularité, l’hybridation et la convivialité. Pour la grande majorité des salariés, le retour au bureau s’accompagne, en effet, d’une double motivation : l’envie de recréer du lien avec les collègues et le besoin d’être dans des bureaux plus confortables et mieux adaptés au travail que le domicile. Un vrai défi en termes de ressources humaines  : comment bien mixer télétravail et bureau, combiner flexibilité, bien-être et confort ? Dynamique et florissante, la situation de l’immobilier de bureaux n’en est pas moins complexe. Les entreprises, les professionnels de l’immobilier, les aménageurs et les collectivités doivent composer avec un contexte de maîtrise de la consommation foncière et de transition écologique : loi Climat et Résilience, programme zéro artificialisation nette (ZAN), zone à faibles émissions (ZFE). « Dès lors, comment optimiser la consommation du foncier, reprend Olivier Schmitt. Comment rendre cette utilisation plus durable tout en restant fonctionnelle pour l’entreprise et adaptée à son business plan ? Ces questions sont au cœur de nos réflexions actuelles avec d’autres chambres consulaires, mais aussi l’ADIRA. En matière d’immobilier de bureaux, nous sommes véritablement à un tournant stratégique qui nous conduit à concilier enjeux économiques, écologiques et sociétaux  », résume Olivier Schmitt. Un avis partagé par Pierre Laplane. « Le défi foncier est majeur et impose de repenser l’existant, tout comme la problématique ZFE qui va entraîner une nouvelle approche des mobilités et impacter le positionnement des activités tertiaires mieux connectées aux transports doux. » L’immobilier d’entreprise n’a pas fini d’évoluer. > Eric Pilarczyk

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