sortir de l’économie du « tout jetable »

Extraire, fabriquer, consommer, jeter : face à l’épuisement des ressources, ce modèle a atteint ses limites. L’économie circulaire, qui fait de nos déchets des matières premières, s’impose comme un système d’avenir. État des lieux en Alsace.

Repères

1000 MD$

La mise en œuvre, à l’échelle planétaire, d’une économie circulaire d’ici 2025 peut générer une économie potentielle de 1000 Md$ par an. Sources : Fondation Ellen Mac Arthur

60%

En France, plus de 60% des déchets produits sont recyclés. Source : Bureau Européen de l’Environnement

 

Pression sur les ressources, renforcement des réglementations environnementales, hausse de la demande pour des produits plus « propres » et durables : l’économie circulaire gagne du terrain et n’a jamais été autant d’actualité. La loi pour la transition énergétique et la croissance verte, cheval de bataille de la ministre de l’Écologie Ségolène Royal, rappelle d’ailleurs tout son intérêt, proposant un changement de paradigme.

Exit donc le système linéaire de notre économie – extraire, fabriquer, consommer, jeter – et les processus industriels traditionnels qui tendent à épuiser d’un côté des ressources et à accumuler de l’autre des déchets. Place à une économie durable, qui avantage l’éco-conception des produits, lutte contre l’obsolescence, encourage le réemploi et le recyclage, limitant ainsi la ponction sur les ressources et matières premières.

L'économie circulaire source d'emplois ?

L’économie circulaire est donc porteuse d’un nouveau modèle de société basée sur la règle des trois R : réduire la consommation de ressources, réutiliser les produits, recycler les déchets. À la clé, un triple bénéfice: éviter le gaspillage des ressources et de l’énergie, sécuriser l’approvisionnement de l’économie française et limiter la production de déchets non utilisés. Ce nouveau système constitue aussi un gisement d’activité et d’emplois. Selon une étude de la Commission européenne, l’économie circulaire pourrait générer entre 200 000et 400 000 emplois en France. 

Le concept émerge à travers le monde, appuyé par un rapport de l’ONU qui laisse envisager une économie fondée sur la perspective d’une pénurie de matières premières et la nécessité d’organiser un meilleur usage des ressources et une réutilisation en fin de vie. La Chine, l’usine du monde, est un pays précurseur en termes de réglementation dans ce domaine. Ici, l’économie circulaire est une priorité nationale au plus haut niveau de l’État. Elle est considérée comme une réponse aux défis majeurs du développement en Chine: dépendance aux matières premières et à l’énergie, réduction des gaz à effet de serre et des impacts environnementaux.

La France est-elle prête ? Une étude de l’ADEME, présentée l’an dernier lors des Assises de l’économie circulaire, montre que les Français évoluent, dans leurs comportements et leurs aspirations, vers ce nouveau modèle économique. Ils sont prêts à suivre la tendance et l’ont parfois même initiée. Mais pour déclencher un véritable mouvement national, mobiliser et fédérer les acteurs économiques, le concept doit infuser dans les territoires.

Quid de l'économie circulaire en Alsace

En Alsace, la CCI, la Région Alsace et l’ADEME ont constitué un groupe de travail technique pour définir des stratégies adaptées à l’échelle locale. « Des outils existent déjà comme le soutien à l’éco-conception porté depuis plusieurs années par la CCI, confirme Ronan Sebilo, responsable du service Développement Durable à la CCI de Région Alsace. L’institution consulaire défend, en effet, l’idée qu’il faut privilégier les produits de qualité avec des durées de vie élevées par rapport aux solutions « low cost » et jetables. Une approche qui implique de promouvoir de nouveaux modèles d’affaires basés par exemple sur la vente de l’usage d’un produit plutôt que sur la vente du produit lui-même.

Un tel défi conduit les entreprises à modifier en profondeur leur façon de fonctionner, de produire et de vendre. Notre action a aussi pour but de démultiplier les expériences d’écologie industrielle, encore trop rares en France. Il s’agit d’organiser des synergies entre entreprises – partage d’équipements, de gestion des déchets, valorisation des sous-produits d’une activité par une autre – pour réduire leur impact environnemental. »

Les exemples Outils Wolf, Siniat et Ricoh Industrie

Des entreprises comme Steelcase, leader mondial du mobilier de bureau, ou Alstom, le fabricant de matériel ferroviaire, se sont engagées sur la voie de l’éco-conception. Des pionniers d’un système de production innovant qui optimise l’usage des ressources, met en œuvre des écomatériaux qui minimisent l’incidence sur l’environnement tout au long du cycle de vie des produits. D’autres ont suivi comme Outils Wolf, Siniat et Ricoh Industrie France.

Leur credo : réduire, récupérer, réutiliser, réparer et recycler les productions. Dans ce contexte, le remanufacturing prend un relief particulier. Ce processus industriel consiste à récupérer la valeur intrinsèque des produits en fin de vie sous forme de composants. Ces derniers seront alors réutilisés pour assembler un nouveau produit qui sera identique au neuf ou intégrera des performances supérieures. Économie de ressources et création de valeur vont ainsi de pair.

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« Amplifier l'économie circulaire en Alsace »

« Cela correspond à notre vision de l’économie circulaire, reprend Ronan Sébilo. Elle est globale et intégrée et ne se résume pas à la seule dimension des déchets. Notre rôle est d’amplifier ce mouvement en agissant sur les trois leviers – les produits, les filières et les territoires –, en détectant les projets, en accompagnant leur amorçage, en apportant des éclairages sur la réglementation, en menant une veille technologique. L’économie circulaire n’existe par hors-sol. Elle part des besoins ou des projets des entreprises et suppose une organisation dans les territoires pour créer des coopérations innovantes. Le maître-mot, c’est bien sûr l’innovation et la proximité. »

Preuve de cette logique : la CCI a mis en place l’outil act’IF qui met en réseau les entreprises. Ce système permet de cartographier des données – tonnes de déchets non valorisés par exemple –, et de les agréger. Surtout, il crée des synergies entre les entreprises qui produisent des déchets et celles qui expriment un besoin de les exploiter pour leur process. « Cette dynamique collective permet d’optimiser les flux de matières, de déchets et d’énergie à l’échelle du territoire » insiste Ronan Sébilo. Source de croissance vertueuse, l’économie circulaire est aussi synonyme de partenariat collaboratif entre les différents acteurs régionaux et d’opportunités nouvelles pour les entreprises.

Dossier réalisé par Eric Pilarczyk

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