réussir la transmission de son entreprise

Une entreprise sur deux ne trouve pas de repreneur au moment de sa transmission. La solution au problème est entre les mains des dirigeants qui doivent anticiper le passage de relais, s’y préparer personnellement et y préparer leur entreprise avec le concours de professionnels.dossier réalisé par dominique mercier

Repères

85%

Des dirigeants considèrent que la pérennité de l'activité est déterminante pour la transmission et 15 % seulement le gain financier (enquête ELABE de novembre 2015 pour Les Echos)

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Le nombre d'entreprises alsaciennes dont les dirigeants ont plus de 55 ans (source CCI).

 

En Alsace, 24% des chefs d’entreprises ressortissantes des CCI ont plus de 55 ans, soit plus de 11000 dirigeants directement concernés par la transmission de leur affaire! Et selon une étude de L’Observatoire du groupe BPCE (Banque Populaire Caisse d’Épargne), le maintien de 750000 emplois serait lié, en France, à la cession des 170000 TPE (moins de 10 salariés) et des 15000 PME/ETI (de 10 à 5000 salariés) qui sont transmissibles en raison de l’âge avancé de leurs dirigeants. À l’heure où la courbe du chômage refuse obstinément de repartir vers le bas, la sauvegarde de l’emploi est sans aucun doute l’enjeu numéro un de la cession-transmission. La redynamisation de l’économie en est un autre. Alors que les chefs d’entreprise vieillissants ont tendance à lever le pied, en réduisant notamment leurs investissements de modernisation, l’arrivée d’un dirigeant plus jeune permettrait à l’entreprise de renouer avec une stratégie de développement. Enfin, last but not least, une transmission réussie permettrait au dirigeant de bénéficier financièrement, à l’heure de sa retraite, des efforts consentis pendant toute une vie de travail, à condition que le prix envisagé soit réaliste, dénué d’affectif et finançable par une banque.

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Le marché de la cession est largement caché

Depuis de longues années pourtant, la transmission d’entreprise est défaillante. Grosso modo, on estime qu’une entreprise sur deux seulement trouve un repreneur. La principale raison est que la transmission est entravée par la discrétion qui l’entoure. Par crainte d’alerter des concurrents, de perdre des marchés, d’inquiéter clients, fournisseurs ou salariés, les chefs d’entreprise hésitent à communiquer sur leurs projets de cession. «60% des repreneurs trouvent par le bouche-à-oreille, via leurs réseaux professionnel et personnel. 60% du marché est donc caché», confirme Vincent Longy, conseiller cession-transmission à la CCI de Strasbourg et du Bas-Rhin. Par ailleurs, céder l’entreprise qu’ils ont souvent créée sur leurs compétences propres représente une sorte de deuil dont de nombreux dirigeants repoussent l’idée, retardant d’autant une transmission à laquelle ils ne savent pas se préparer.

Tout est affaire d’anticipation

Quand faut-il se poser la question de la transmission? 55 ans semble être l’âge indiqué car un processus de cession bien mené peut durer quatre, voire cinq ans. Surtout dans le cas des petites entreprises qui trouvent moins facilement un repreneur. Or, en Alsace, plus de huit entreprises à céder sur dix emploient moins de dix salariés. La réflexion doit commencer par le cercle proche du dirigeant: famille, associés, partenaires, salariés… Il est important pour un dirigeant de laisser précocement filtrer sa préoccupation de transmission au sein de ce cercle, une manière de communiquer tout en restant discret. La transmission familiale semble légèrement progresser: les « Carnets de BPCE L'Observatoire » notent ainsi, qu’en 2013, les dirigeants de PME âgés de plus de 60 ans cèdent leur entreprise à un ou plusieurs membres de leur famille dans 18% des cas. Mais, la transmission familiale reste malheureusement trop peu utilisée par les TPE de moins de dix salariés, malgré des avantages fiscaux très incitatifs. Ainsi, le Pacte Dutreil réduit de manière substantielle les droits de mutation dans le cadre de la transmission d’une entreprise ou de titres d’une société par donation ou succession. Il suppose une forte anticipation puisqu’il est lié, préalablement à la donation, à un engagement collectif de conservation pendant deux années des parts et titres à transmettre. Concernant la transmission à des salariés, les cédants se montrent très majoritairement réservés, considérant que ces derniers n’ont ni l’étoffe, ni les moyens financiers pour mener à bien une reprise. De ce point de vue, la loi Hamon de juillet 2014 devrait faire bouger les lignes puisqu’elle oblige les dirigeants de PME à informer les salariés de tout projet de cession. Quand les possibilités de transmission en interne sont épuisées, le dirigeant peut se tourner vers le marché. Les repreneurs sont nombreux, qu’ils soient des cadres salariés expérimentés désirant devenir leur propre patron ou des entreprises engagées dans un processus de croissance externe.

Préparer l’entreprise et se préparer soi-même

Les repreneurs sont aussi de plus en plus exigeants et pour les séduire, l’entreprise doit être attractive et dégager des perspectives de développement. D’où – encore une fois – la nécessité d’agir très en amont de la transmission pour confronter l’entreprise à la réalité du marché, diagnostiquer ses forces et ses faiblesses, prendre les mesures correctives qui s’imposent, élaborer un argumentaire de cession. De ce point de vue, la CCI est l’interlocutrice privilégiée du cédant à qui elle peut proposer un diagnostic transmission, la rédaction d’un dossier de présentation et des mises en relation avec des repreneurs potentiels. Mais, elle n’interviendra jamais dans la négociation, où le cédant devra se faire assister par des professionnels de la transmission: expert-comptable, avocat spécialisé, banquier… Sans jamais oublier, rappelle Vincent Longy, que «50% de la transmission, c’est de l’humain, une rencontre entre personnes» et que le cédant doit savoir autant se préparer lui-même qu’anticiper les attentes du repreneur.

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