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François Brunagel : «L’Alsace doit retrouver ses spécificités de région sur le Rhin»

Qui êtes-vous ?

F. B. • Je suis originaire de La Walck, l’ancienne capitale de la chaussure. J’ai suivi des études de droit et de langues à Strasbourg, puis j’ai choisi de passer des concours européens plutôt que de présenter l’Ena du fait de ma passion pour les langues étrangères et de ma sensibilité aux questions européennes. Aujourd’hui je parle couramment l’allemand, l’anglais et l’italien, je connais un peu l’espagnol et le néerlandais, et bien entendu l’alsacien. Après une belle expérience de coopération à Madagascar, j’ai rejoint le Comité économique et social européen, en 1972. La Commission européenne comptait alors six pays… Secrétaire du groupe des activités diverses qui réunissait des représentants des PME, de l’artisanat, de l’agriculture et des professions libérales, j’ai eu à ce moment des contacts importants avec les CCI. En 1984, Pierre Pflimlin m’a fait venir à son Cabinet et je n’ai plus quitté le Parlement. J’ai développé le service de communication avant de devenir le directeur de cabinet de la présidente de l’époque, Nicole Fontaine. Depuis 2004, je dirige le protocole. Au-delà de mes activités et de ma vie familiale – j’ai quatre enfants –, j’ai une vie associative très riche. J’ai créé l’Association pour la Promotion de l’Alsace en Belgique et au Luxembourg (elle gère le Bureau Alsace à Bruxelles) et l’Union internationale des Alsaciens à l’étranger (qui fédère une trentaine d’associations présentes dans 110 pays) dont je suis encore le président d’honneur. Je suis également à l’origine de la création de l’ADEC à La Walck – je voulais que le milieu rural soit pleinement associé au développement des technologies de l’information.

Quelles sont vos fonctions au sein du Parlement Européen ?

F. B. • J’y dirige le service du protocole et accueille les visites de toutes les personnalités qui ont droit à un traitement protocolaire, du chef d’État au Ministre. Je prépare et accompagne le Président du Parlement Européen dans ses voyages à l’étranger, j’accueille les délégations des pays-tiers et prépare les voyages de nos délégations pour lesquels on fournit les visas. Je suis entouré de 19 collaborateurs basés à Bruxelles, dont la moitié viennent à Strasbourg à chaque session – une grande partie de mon travail se déroule pendant les sessions et les visites officielles de chefs d’État invités à prendre la parole à Strasbourg. Je suis également en relation permanente avec le corps diplomatique accrédité auprès de l’Union Européenne. J’entretiens des relations avec les autorités françaises, belges et luxembourgeoises en raison des trois lieux de travail.

Quelle est votre opinion sur la bataille du siège ? 

F. B. • On a peut-être tort de camper sur une position légaliste qui consiste à dire qu’on est protégé par le traité. Un jour ou l’autre, une pression politique et médiatique très forte risquera de faire céder cette digue juridique. Cela fait des décennies qu’on s’agite autour du siège et qu’on maintient une espèce de doute permanent. Pour ma part, je pense qu’il vaudrait mieux que le Parlement soit à un seul endroit, ceci pour de multiples raisons de cohérence, et cela peut être Strasbourg. Mais il faudrait que le Gouvernement provoque une négociation et en formule la demande.

Votre regard sur l’Alsace ?

F. B. • C’est un peu un regard de déception parce que nous nous sommes progressivement banalisés, devenant une région comme une autre. Nous avons abandonné petit à petit nos spécificités de région sur le Rhin qui avait tous les atouts pour être biculturelle et bilingue. Or, les Alsaciens ne parlent plus l’allemand. Pourtant, l’avenir de l’Alsace ne se situe pas aux côtés de la Lorraine, mais bien de l’Allemagne et de la région de Bâle. Je suis déçu, mais pas pessimiste pour autant, il y a moyen de corriger le tir, avec le développement, notamment, de l’enseignement bilingue et une prise de conscience d’un besoin à combler. Je constate aussi qu’il y a une réelle volonté des conseils généraux de propager le haut débit. Avec la mise en place d’une véritable politique des TIC, l’Alsace devrait avoir des atouts… D’autres signes positifs et encourageants sont liés à la vitalité des universités de Strasbourg et Mulhouse, au nombre important de chercheurs, de prix Nobel, d’académiciens. Nous avons aussi quelques entreprises innovantes… Le développement économique de demain se fera par l’innovation. Propos recueillis par F. Herrmann

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07/05/2014Partager